Finis l'entrisme et le réformisme, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) se situe désormais dans l'opposition frontale. Saïd Sadi, lors de la conférence de presse hier à Paris, n'a pas eu de mots assez durs à l'égard du pouvoir. Il lance aussi un appel à un rassemblent avec le Front des forces socialistes (FFS) pour les élections partielles en Kabylie. Voici les moments forts de la conférence. Un guide du parfait opposant. Projet de la charte de réconciliation. « Nous sommes invités à voter un texte, je cite le chef de l'Etat, en lisant entre les lignes. « La paix est l'alibi d'un texte idéologique préparant une révision constitutionnelle pour une présidence à vie. » Le texte n'est pas inspiré par une volonté d'apaiser les esprits. C'est un brouillon pour une Constitution qui consacrerait le pouvoir absolu. Le chef de l'Etat veut rester au pouvoir jusqu'à sa mort. On viole les consciences pour faire admettre que le chef d'Etat est nécessaire et qu'il n'y pas d'autre alternative », ironise, d'un ton désabusé, le président du RCD. Abdelaziz Bouteflika. « Je dis toujours le chef de l'Etat car un président est élu (démocratiquement). Les présidentielles de 2004 sont le deuxième coup d'Etat de Bouteflika, après celui de 1965 contre le régime de Ben Bella. Le chef de l'Etat n'a pas le self-control qui sied à sa profession. Il a été mal reçu à Tizi Ouzou et le lendemain, il refuse d'officialiser la langue berbère. Il exige plus de 90% de oui pour ce référendum, on est au-delà de la fraude, on la quantifie (d'avance). Et il les aura ses 90 ! Le despotisme dérive vers le mysticisme. Belkhadem dit que le chef de l'Etat vient du ciel, je ne sais pas ce qu'on a fait pour mériter ça », se désole-t-il. Le Premier ministre. « Il a dit, à l'Assemblée, je soutiens le processus de réconciliation nationale même si je ne connais pas le contenu. Trois mois auparavant, il disait : je suis un éradicateur patenté et je suis fier de le dire devant cette honorable assemblée. Ouyahia, lui-même d'origine kabyle, est le mieux désigné pour faire le sale boulot, casser la Kabylie. C'est de cette façon qu'il gère (garde) son poste. Il partage avec le chef de l'Etat la même conception du pouvoir, être toujours au sommet de la vague. S'il doit y avoir opposition entre eux, ce que je ne crois pas, c'est qu'ils se ressemblent trop », diagnostique le psychiatre. Gestion de la Kabylie. « On veut stériliser Alger en s'en prenant à la Kabylie, en développant une "culture cannabique". Il existe 17 parcelles de cannabis en Kabylie, les forces de sécurité le savent et laissent faire. Le pouvoir cherche une "riffisation" de la Kabylie. Il cherche à soumettre cette région pour envoyer des signes forts à l'ensemble de l'Algérie. On ne gouverne pas de cette façon », s'offusque l'opposant. Appel au FFS. « Il faut faire des listes communes et dégager des majorités solides. C'est le meilleur message à envoyer à l'ensemble de l'Algérie. Des membres du DRS (services secrets) passent dans des villages pour susciter des listes indépendantes. Si le FFS et le RCD ne conjuguent pas leurs efforts, on se dirige tout droit vers de grandes fraudes. Il faut faire de la Kabylie une plaque tournante de la modernité. Je souhaiterais que le FFS accepte de faire des listes communes. Les chefs de sécurité vont nous empêcher de le faire », prévient l'homme au fait des nombreux coups bas. Le pardon et les familles des victimes. « Il y a une grande injustice envers les familles des victimes et des disparus. Pour accorder le pardon, il faut au préalable qu'il soit demandé. Or, aucun terroriste n'a demandé pardon. Ce référendum est injuste. C'est comme si Tony Blair faisait un référendum pour que les responsables des attentats reviennent à la raison. Ou que le gouvernement français en faisait de même pour que les membres du GSPC, comme ceux arrêtés hier, reviennent aussi à la raison ». Comptabilité macabre. « Cette charte est le programme des désordres à venir. Elle condamne les crimes collectifs mais exonère les crimes individuels. Si vous avez tué 100 personnes d'un coup, vous êtes condamné mais si vous tuez une par jour pendant 100 jours, vous échappez à la justice ! Et si vous les commettez dans un lieu public, pas de pardon, par contre dans un lieu privé si », s'étrangle le militant contre la peine de mort. Armée et pouvoir. « C'est la sécurité militaire qui gère et vilipende, depuis Boussouf, fondateur de l'ancêtre du DRS (MALG, ndlr). On ne doit pas s'illusionner sur les autorités militaires et civiles. L'armée algérienne est inéligible pour accompagner et initier la démocratie », tranche Saïd Sadi.