Le Yémen, où plus de 70% de sa population vivent en zone rurale, dépend des importations pour 80% de sa nourriture. La malnutrition dans le Yémen en guerre a atteint des niveaux records, se rapprochant de la famine, s'est alarmé le Programme alimentaire mondial (PAM) jeudi, alors que la pandémie de coronavirus et le manque de fonds menacent d'aggraver encore davantage la crise humanitaire. "Le Yémen est au bord de la famine et nous ne devons pas tourner le dos aux millions de familles qui en ont maintenant désespérément besoin. Ne vous y trompez pas, 2021 sera encore pire que 2020 pour les personnes les plus vulnérables du Yémen. La famine peut encore être évitée, mais cette opportunité s'éloigne chaque jour qui passe", a déclaré David Beasley, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial des Nations unies. Le nombre de personnes confrontées au deuxième niveau d'insécurité alimentaire le plus élevé au Yémen devrait passer de 3,6 millions de personnes à 5 millions au premier semestre 2021, a averti le PAM. L'ONU avait déjà déploré en mars 2017, trois ans après le début du conflit, que la guerre avait généré dans ce pays très pauvre de la péninsule Arabique la pire crise humanitaire actuellement au monde, marquée notamment par la famine et par les épidémies. "Des conditions proches de la famine sont apparues pour la première fois en deux ans", a relevé jeudi le PAM dans un communiqué. "Le nombre de personnes connaissant ce degré d'insécurité alimentaire catastrophique pourrait tripler (...) et atteindre 47 000 personnes entre janvier et juin 2021." Au Yémen, où les hôpitaux ont accueilli ces dernières années de nombreux enfants affaiblis et squelettiques, les familles hésitent à hospitaliser leurs petits, car elles craignent aujourd'hui qu'ils attrapent le coronavirus. En raison du conflit, plus de 24 millions de personnes – soit près de 80% de la population – dépendent d'une forme d'aide humanitaire, et la situation s'est fortement détériorée en 2020. Mais seulement 1,43 milliard de dollars sur les 3,2 milliards nécessaires pour financer les programmes d'assistance au Yémen avait été versé mi-octobre, selon l'ONU. "La situation est déjà catastrophique, et sans une action urgente, d'autres enfants vont mourir. Nous avons déjà empêché la famine au Yémen par le passé, et nous devrions être en mesure de la prévenir à nouveau, grâce à un soutien accru et à un accès sans entrave à chaque enfant et famille dans le besoin", a appelé pour sa part Henrietta Fore, directrice exécutive de l'Unicef. L'ONU a annoncé en septembre que l'aide essentielle avait été réduite dans 300 centres de santé et que plus d'un tiers de ses principaux programmes humanitaires avaient été réduits ou complètement interrompus. Plusieurs donateurs, dont l'Arabie Saoudite qui intervient militairement au Yémen pour appuyer le gouvernement contre les rebelles Houthis, n'ont pas tenu leurs promesses d'aide, avait souligné à l'époque un fonctionnaire de l'ONU au Conseil de sécurité. "Il est impératif de garder les gens en vie en maintenant le flux de nourriture, mais ce cycle ne peut pas durer éternellement", a déclaré le directeur général de l'Organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture, Qu Dongyu. "Le Yémen a besoin d'une cessation du conflit, principal moteur de l'insécurité alimentaire dans le pays."