Ils sont 2 453 Algériens incarcérés actuellement dans les établissements pénitentiaires français sur un total de 14 684 étrangers et 7 942 Africains. Ils sont plus nombreux que les Marocains (1 916) et les Tunisiens (992). Selon des statistiques trimestrielles (d'août à octobre) sur les détentions en milieu fermé qui viennent d'être rendues publiques par le ministère français de la Justice, le nombre des nationaux en détention est en progression. Ils étaient 2 039 entre avril et juillet. Les motifs des incarcérations n'ont pas été dévoilés. Mais d'après Marc Duranton, délégué aux prisons à l'ONG d'aide aux sans-papiers Cimade, la plupart des Algériens sont en prison pour des délits de droit commun. Notre interlocuteur précise, par ailleurs, que beaucoup parmi les incarcérés sont en situation irrégulière. "Comme ils ne sont pas documentés, la justice préfère les enfermer, parfois abusivement", souligne-t-il. Légalement, la justice française doit attendre la fin de la peine des sans-papiers algériens pour les expulser du territoire français. Encore faut-il que les autorités consulaires algériennes acceptent de fournir des laissez-passer pour autoriser leur transfert en Algérie. Depuis le début de la pandémie de coronavirus et la fermeture des frontières entre l'Algérie et la France, plus aucun laissez-passer n'a été délivré. Au cours de son voyage en Algérie, à la fin du mois d'octobre, le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé aux autorités algériennes de reprendre assez rapidement les personnes incarcérées ou dans les centres de rétention, fichées S et soupçonnées de radicalisation. De sources officielles françaises, 20 à 40 personnes sont concernées. Outre les prisons, il faut savoir que les Algériens sont en surnombre dans les centres de rétention administrative. 4 100 compatriotes ont été recensés en 2019 sur un total de 54 000 étrangers en situation irrégulière. Au début de la crise sanitaire, les autorités avaient décidé de réduire les effectifs pour freiner les contaminations, mais la Cimade, comme d'autres associations, note un regain du taux de remplissage, qui avoisine 90% dans certains centres. Il y a quelques jours, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a révélé avoir donné instruction aux préfets de "mettre l'intégralité des étrangers en situation irrégulière et confondus de radicalisation dans les CRA". Pour Marc Duranton, ces détentions peuvent s'avérer abusives. "Le gouvernement bénéficie d'une fenêtre médiatique qui lui permet, au prétexte de la radicalisation, de mettre plus de monde dans les centres de rétention, tout en sachant que les soupçons de radicalisation ne représentent pas une menace à l'ordre public et une menace à la vie d'autrui", explique notre interlocuteur. Tout récemment, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, a demandé aux ministères français de la Justice et de la Santé de fermer les centres de rétention administrative ou de faire baisser drastiquement leur activité, en raison de l'aggravation la situation épidémiologique. La Cimade aussi reproche notamment au gouvernement de maintenir des sans-papiers en détention et au péril de leur vie, alors qu'il est devenu presque impossible de les renvoyer dans leurs pays à cause de la fermeture des frontières. "Le sens légal de ce genre de retenue est par conséquent complètement dévoyé. La loi prévoit, en effet, qu'une personne peut être privée de liberté dans la perspective raisonnable d'éloignement. Or, actuellement, la plupart des expulsions n'ont pas lieu et on ne sait pas quand elles vont reprendre. Visiblement, on veut juste enfermer des personnes en rétention sans espoir aucun de les expulser. C'est simplement de la privation de liberté inutile et violente", a fait savoir Paul Chiron, responsable du soutien juridique dans les centres de rétention, au site Migrants Infos.