Le gouvernement envisage de lancer une ultime opération de rachat des créances détenues par les banques sur certaines entreprises publiques. L'amenuisement des ressources financières intensifie la pression sur le secteur public économique, habitué – jusqu'ici – aux perfusions financières que lui assure régulièrement l'Etat propriétaire. Les travailleurs risquent de payer au prix fort les conséquences d'un mode de gestion qui ne laissait entrevoir aucune alternative à cette dépendance chronique aux financements de l'Etat. Le gouvernement sait qu'il est pour le moins insensé de continuer à renflouer à fonds perdus la trésorerie des entreprises publiques. Il semble, néanmoins, avoir les pieds et les poings liés face au risque de l'aggravation du coût social de la crise que fait peser le scénario de faillites des entreprises publiques. Il y a quelques jours, le ministre des Finances a laissé entendre que l'Etat "ne laissera pas tomber notre tissu industriel national, public ou privé". "Mais on plaide aussi pour un changement du mode de gouvernance de certaines de ces entreprises pour qu'elles s'inscrivent dans une pérennité économique", a souligné Aymen Benabderrahmane qui, peu avant, remettait au goût du jour la question de l'ouverture du capital des banques et des entreprises publiques. C'est-à-dire que les politiques accommodantes à l'égard du secteur économique public vont rester en vigueur en cette période de crise, mais la question du financement des sociétés étatiques n'a jamais été une équation aussi complexe pour le gouvernement. Selon nos sources, le gouvernement envisage de lancer une opération de rachat des créances détenues par les banques sur certaines entreprises publiques. Cette piste quête le double objectif de soulager les banques des créances sur les entreprises publiques, tout en permettant à ces sociétés de repartir sur de nouvelles bases, à la condition que celles-ci se restructurent et se projettent sur des objectifs de profitabilité, de rentabilité et de viabilité. Dans cette quête d'une solution combinée banques-entreprises, la Banque centrale et le Trésor public vont devoir mettre à contribution leurs moyens et politiques, avons-nous appris de sources proches du ministère des Finances. En deux mots, il s'agira à la fois d'opérer un toilettage dans les bilans des établissements bancaires et les créances sur les entreprises publiques seront transformées en dette publique. Certes, il est quasiment impossible d'arrêter du jour au lendemain les dispositifs publics de soutien aux entreprises, étant donné que les risques de faillite dans le secteur public pourraient se propager rapidement aux banques, mais cette solution pourrait permettre aux entreprises ainsi qu'aux banques de résister au double choc coronavirus-baisse des liquidités, en attendant de trouver des solutions de fond à la dépendance chronique du secteur public des financements implicites de l'Etat propriétaire. L'idée est de faire de ce nettoyage des bilans des banques un tremplin à l'introduction en Bourse de certaines d'entre elles – probablement le CPA et la BDL –, alors que le rachat des créances détenues sur les entreprises ouvrirait la voie à l'ouverture du capital de certains groupes publics. Sauf que cette opération rectangulaire qui consiste à racheter les crédits des banques et les créances des entreprises tout en libérant les réserves de la Banque centrale pourrait faire grimper davantage la dette publique. En 2016, rappelons-le, la dette publique avait fortement augmenté "en raison principalement des risques budgétaires sous la forme de soutien aux entreprises publiques", avait indiqué le FMI. L'Etat avait émis des obligations à hauteur d'environ 9% du PIB pour financer, entre autres, le rachat de la dette d'une entreprise de service public envers une banque publique. La dette publique n'a cessé de grimper, pour atteindre environ 60% du PIB aujourd'hui, ce qui réduit considérablement la marge de manœuvre de l'Etat. Ce qui fait que l'Etat va devoir investir sur des solutions à long terme pour affranchir ses entreprises de la politique de la rente qui paralyse leur management. Ali Titouche