La privatisation partielle des banques publiques est peu réalisable sans que le difficile travail de nettoyage de leurs bilans et de leurs créances improductives soit opéré au préalable. Après avoir baissé à trois reprises, depuis mars dernier, le taux des réserves obligatoires des banques, le situant désormais à 3%, la Banque d'Algérie (BA) aura ainsi tenté l'ensemble des artifices monétaires susceptibles de libérer la liquidité et de remettre les banques à flot. La Banque centrale parvient mal à renflouer les caisses des établissements financiers en ayant recours aux mêmes leviers monétaires dont elle se servait depuis 2016 (Open Market, réescompte...). Au bout d'une année, ces opérations se sont avérées insuffisantes face à l'état de sous-liquidité oppressant le système bancaire. Le gouvernement avait fait appel aussitôt à la planche à billets qui, moins de deux années après son adoption, fait passer les banques d'un état de sous-liquidité à une situation de surliquidité en protégeant certaines d'entre elles du spectre de la faillite. Les banques publiques ne sont pas pour autant définitivement tirées d'affaire, puisqu'elles semblent se retrouver, aujourd'hui encore, dans une situation de sous-liquidité aussi grave que celle qui prévalait à la mi-2016. L'absence d'alternative à la planche à billets, une solution de court terme qui fait peser d'importants risques sur la stabilité financière et macroéconomique, aiguille l'action du gouvernement vers l'ouverture du capital des banques publiques. Une option présentée par le ministre des Finances comme une des solutions envisagées aux fins de diversifier les ressources financières du pays. Aymen Benabderrahmane a ainsi multiplié les annonces ces derniers jours pour dire la volonté du gouvernement d'orienter les politiques monétaires vers le financement du déficit. Pour les banques, la solution ne viendrait plus de la planche à billets, à en croire le discours officiel. L'ouverture du capital de certaines d'entre elles est une des solutions envisagées aux fins de les recapitaliser. "C'est une option sérieuse, mais personne ne sait quand cela pourra se faire", répond un banquier de la place à la question de savoir si cette énième volonté de tailler dans la présence de l'Etat dans l'actionnariat de ses banques était sérieuse. Fusion L'annonce a suscité moult questionnements sur les véritables velléités de l'Etat et fait ressurgir les vieux démons des années 2000, lorsqu'il était question de privatiser le Crédit populaire d'Algérie (CPA). "Je me suis brutalement opposé à cette opération car la privatisation des actifs des banques publiques n'apporter rien au système monétaire et financier en termes d'augmentation de l'intermédiation bancaire ni en termes d'innovation des produits financiers", révèle à ce sujet Mourad Goumiri, qui était à l'époque conseiller de Fatiha Mentouri, alors ministre déléguée à la Réforme bancaire. "La privatisation devait à mon sens se traduire par l'ouverture du secteur aux banques privées nationales et surtout internationales", soutient Mourad Goumiri, contacté par Liberté. Sur la question de l'ouverture du capital des banques publiques qui revient sur le devant de la scène, ce dernier suggère qu'il faut plutôt aller rapidement vers "la fusion des six banques publiques en n'en conservant que deux ou trois d'entre elles et assainir leur portefeuille, notamment celui en direction des entreprises publiques qui croulent sous les dettes générées par les injonctions des pouvoirs publics". D'une pierre deux coups, cette solution permettrait à la Banque d'Algérie de retrouver son autonomie de gestion en direction du Trésor public et des banques commerciales de la place, soutient l'analyste financier, qui dit douter que le gouvernement ait le courage politique pour cela. Pour certains économistes, la question de la fusion des banques publiques en deux à trois grands établissements est à privilégier, car, même si l'option d'une ouverture du capital serait intéressante, "la conjoncture ne s'y prête pas". Le choc économique déclenché par la crise sanitaire a mis de nombreux groupes bancaires internationaux sur des pistes de repositionnement et de restructuration plutôt que sur des opérations de rachat d'actifs et/ou de prises de participations. Et encore, l'Etat doit procéder à d'importantes opérations de toilettage dans ses banques afin de les rendre privatisables. Certains établissements bancaires croulent, en effet, sous le poids des prêts improductifs et des créances sur les grandes entreprises publiques et celles privées, dont les patrons font l'objet de mesures judiciaires.