Journaliste, écrivain et traducteur, le défunt était une figure intellectuelle dont l'abnégation a marqué le parcours. Même la décennie noire et la tentative d'assassinat dont il a été victime le 31 juillet 1993 à Alger, ne l'ont jamais empêché de ranger la plume. À l'aube de la nouvelle année, l'écrivain et journaliste Merzac Bagtache tire sa révérence à l'âge de 75 ans, a appris l'APS de ses proches. La vie de cette figure intellectuelle fut dédiée à l'écriture et à l'humanisme qu'il répandait d'ailleurs à travers ses nombreuses œuvres littéraires en langues arabe et française. Traducteur de formation, l'écriture tenait pour lui du sacré, "chaque mot que je couche sur le papier doit être sincère. Il doit contenir des valeurs morales. Je ne pourrais jamais écrire quelque chose que mes enfants ou d'autres personnes ne pourraient lire. L'écriture pour moi tient du religieux et du cultuel. En tant qu'écrivain, j'ai une responsabilité envers ce que je donne à lire aux autres", disait-il dans un entretien. Son abnégation pour son métier de journaliste, même au plus fort de la décennie noire, était telle que même la tentative d'assassinat dont il a été victime le 31 juillet 1993 à Alger ne l'a jamais empêché de ranger la plume. Bien au contraire, la horde terroriste ne l'a pas dissuadé de quitter le noble métier qu'il exerçait, mais l'homme décide aussi de pardonner, aller de l'avant, en quête perpétuelle de vérité. Le miraculé se remémore cette journée qui a failli lui être fatale dans les colonnes de nos confrères d'El Watan : "On était dans la rue avec des amis, j'étais en gandoura et m'apprêtais à aller faire la prière du maghreb. On revenait de la plage. Je me savais menacé et condamné, parce que j'étais journaliste, écrivain et surtout membre du Conseil consultatif national mis sur pied par Boudiaf". Et de continuer : "À un moment, je vois surgir, on ne sait d'où, et venir à une dizaine de mètres derrière un camion, un homme sans visage. Il portait une veste verte en plein mois de juillet, il a esquissé un geste, puis il a tiré, je suis vite tombé dans les pommes". La rage de vivre de Merzac Bagtache devient peut-être plus présente que jamais. Sa riche carrière en témoigne entre publications romanesques et pièces de théâtre, il n'a cessé d'écrire, de produire et de témoigner afin que nul n'oublie. Le pédagogue et ami du romancier, Ahmed Tessa lui a rendu hommage en ces termes : "Une autre étoile s'en va. Et quelle étoile ! Merzac Bagtache était connu pour sa valeur intellectuelle, certes, et sa prodigieuse production en langue arabe, lui, l'excellent trilingue (tamazight, arabe et français). Mais pour ceux qui l'ont connu, Merzac était aussi un monument de modestie. Comme l'était Da L'mouloud Achour parti lui aussi. Les deux sont au Paradis des Braves. Deux hommes pétris de qualités humaines. Paix à leurs belles âmes." l'écrivain, cinéaste et journaliste Abderrahmane Djelfaoui, a pour sa part, relevé la simplicité de l'homme : "Merzac Bagtache, un écrivain prolifique, amoureux des langues et des romanciers universels, dont sa bibliothèque personnelle était une des plus riches que j'ai connues... Un véritable citadin d'Alger, issu d'une famille de marins... Sobre, convivial et de principes clairs. L'écrivain Merzak Bagtache n'est plus !". Pour Lazhari Labter, avec ce décès s'éteint "l'une ne des voix les plus libres, les plus originales et les plus puissantes de la littérature algérienne". Natif d'Alger en 1945, Merzac Bagtache a fait son entrée en littérature dans les années 1960 avec des recueils de nouvelles avant de se lancer dans le roman. Lauréat en 2017 du Grand Prix du roman Assia-Djebar pour son roman en langue arabe La pluie écrit ses mémoires, Bagtache a signé dernièrement Quatro, son dernier né paru aux éditions publiques Anep. Le défunt a été inhumé hier après-midi au cimetière d'El-Kettar, à Alger.