Une année après avoir été suspendu de ses fonctions, le juge Saâdeddine Merzoug comparaît, ce matin, devant le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature. Une année après avoir été suspendu de ses fonctions, le juge Saâdedine Merzoug comparaît, ce matin, devant le Conseil supérieur de la magistrature. Il est poursuivi par le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, qui lui reproche des écrits critiques sur Facebook. Il est également accusé d'être l'instigateur de la grève menée par les magistrats en octobre 2019. Après des mois de lutte contre la chancellerie, Saâdedine Merzoug, juge près la cour de justice de Boumerdès, reçoit, le 12 décembre 2019, une notification lui annonçant sa suspension de ses fonctions de juge. Le choix du jour est symbolique : cela coïncide avec la tenue de l'élection présidentielle. Mais fait inédit, le jeune magistrat était déjà suspendu quelques jours auparavant. "C'est une procédure totalement illégale", réplique le magistrat, totalement serein et surtout "convaincu" de son "innocence". Au téléphone, le juge, à qui nous avons parlé hier, a la voix d'un homme serein et déterminé. Des publications sur Facebook, de ses déclarations dans la presse, l'homme ne nie rien. Il dit maintenir ses positions. Pour lui, Belkacem Zeghmati avait été nommé "illégalement" ministre de la Justice du temps où Abdelkader Bensalah assurait l'intérim de la présidence de la République. Merzoug persiste à rappeler que durant l'intérim de la présidence de la République, aucun ministre ne peut être démis. C'est cette affirmation qui semble avoir suscité l'ire du garde des Sceaux. Mais il n'y pas que cela. Ce n'est pas que par ses publications sur Facebook que Saâdedine Merzoug s'est distingué. Le porte-parole du Club des magistrats algériens –qui n'a jamais été agréé – a été le porte-voix de la contestation des magistrats au lendemain du soulèvement populaire de 22 février 2019. Le jeune homme, alors juge à Oued-Souf, a exprimé publiquement le ralliement des magistrats à la cause du peuple. Le club qu'il représente a vite été "abandonné" par le Syndicat des magistrats (SNM), qui s'est contenté de formuler des revendications socioprofessionnelles même s'il continue de clamer la consécration de l'indépendance de la justice. Merzoug est donc isolé et devenu une cible facile. Ce qui ne l'empêchera pas d'annoncer, le mois d'octobre de la même année, une grève des magistrats. Une nouvelle fois, le SNM a décidé de casser la grève malgré la répression des juges à l'intérieur de la cour de justice d'Oran. Saâdedine Merzoug ne suivra pas le mot d'ordre du syndicat. Un affront de trop à la chancellerie qui reproche au magistrat sa rébellion. Un argument de plus pour porter l'accusation d'organisation illégale de la grève. Son dossier est alors transmis au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Prévue en juin 2020, la séance du Conseil supérieur de la magistrature qui devait "juger" Saâdedine Merzoug n'a pas eu lieu en l'absence du représentant de la chancellerie. Depuis, le garde des Sceaux a bien tenté une conciliation assortie de l'obligation faite au magistrat de présenter des excuses et de retirer ses publications. "Il n'en est pas question", balaie d'un revers de la main le juge qui est déterminé à défendre ses idées. S'il se dit conscient d'être tenu par l'obligation de réserve imposée à tous les magistrats, Saâdedine Merzoug rappelle que cela ne "signifie pas obligation de se taire". "La liberté d'expression est garantie à tout le monde, y compris aux magistrats", a-t-il clamé. Pour lui, ses déclarations ne sortent pas de ce cadre. à la veille de sa comparution, le magistrat se dit confiant. "Si la loi est appliquée, je suis certain que je serai innocenté ou, au pire, j'aurai une sanction administrative", a-t-il confié. Dans le cas contraire, le Conseil supérieur de la magistrature peut transférer son dossier vers une juridiction et il fera objet de poursuites judiciaires. Au pire, il sera radié des rangs des magistrats. Un scénario difficile à imaginer surtout que la séance va être présidée par le premier président de la Cour suprême. Mais une telle éventualité constituerait un précédent.