Des voix, de plus en plus nombreuses, se font entendre en Libye, pour dénoncer l'accord de Bouznika (sud de Rabat au Maroc), concernant le choix des candidats aux postes de "souveraineté", estimant que cela accentuerait la division du pays et constitue une violation de l'accord de Skhirat du 17 décembre 2015. Outre 24 députés qui se sont soulevés contre les résolutions de Bouznika, au moins 40 autres membres du Haut conseil d'Etat (équivalent du Sénat) s'y sont également opposés, dans un communiqué rendu public lundi soir. Les députés ont rejeté en effet le principe de quota et de géographie (appartenance régionale) pour le choix des responsables des hautes institutions du pays, estimant que cela devrait plutôt se faire sur la base de "compétence, d'intégrité et de professionnalisme", a rapporté la presse locale. Pour leur part, les quarante membres du Haut conseil d'Etat ont affirmé dans leur communiqué que les délégations réunies au Maroc étaient mandatées uniquement pour "échanger et rapprocher leurs points de vue" et, par conséquent, "elles n'avaient pas le droit de décider ou de signer quoi que ce soit, avant de se référer au Conseil". D'autres voix parmi les membres de l'assemblée libyenne de Tobrouk ont dénoncé un "groupe prétendant représenter le Parlement et le Haut conseil d'Etat pour se partager les postes sur la base de la géographie", estimant que ces critères sont "en contradiction avec les principes de citoyenneté et d'équité, et une insulte au peuple libyen". Pour Ali al-Issaoui, un député, "l'article (15 de l'accord de Skhirat) a été déformé, et il ne prévoit pas la répartition de ces postes sur une base régionale. En fait, il n'y a pas d'indication parmi les textes du document", lit-on sur son compte Twitter. "La justice n'est pas dans la répartition géographique des postes, mais plutôt dans l'efficacité, la décentralisation, l'application de la justice sociale et l'offre d'opportunités dans toutes les régions du pays", a écrit pour sa part l'envoyé de la Libye auprès des Nations unies, Taher al-Sunni, sur son compte Twitter officiel. "En ce qui concerne les alliances, le conflit n'est pas régional, mais plutôt une lutte pour le pouvoir et l'argent, alors vous les voyez dire (non aux quotas), puis insister dessus, avec le soutien étranger", a-t-il ajouté, soulignant que cela consacre de fait la répartition du pays, en trois régions historiques (Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan). Par ailleurs, les Berbères de l'Ouest libyen ont rejeté le projet de nouvelle Constitution sur le point d'être finalisé, tout comme la coalition nationale fédérale de la Cyrénaïque qui a appelé ses partisans à faire échouer par des voie pacifiques la promulgation de ce texte. Depuis quelques mois, la mission de l'ONU en Libye mène un âpre processus de négociations devant aboutir à des élections d'ici le 24 décembre prochain, aux fins de sortir le pays de dix ans de guerre. Si des progrès ont d'apparence été enregistrés, les divisions restent profondes au sein des politiques et de la société libyenne, sur fond d'ingérence étrangère, qui risquent de saboter ce processus. La présence de plus de 20 000 mercenaires étrangers sur le sol libyen, malgré l'expiration samedi du délai qui leur a été accordé, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu d'octobre 2020 à Genève, en est l'illustration.