Beaucoup de jeunes Oranais sont nés au milieu de béton, et de leur ville ils n'ont que quelques repères, le stade Montréal pour rester dans le ton de la chronique, la piscine Bastrana, le boulevard du front de mer, les rues pagayeuses de Khemisti et de Ben M'hidi et, bien sûr, les labyrinthes de leur “houma”. Ces labyrinthes vont en général de l'épicerie habituelle au hammam du quartier en passant par le cyber pour aboutir enfin à leur “collige”, entendez dans le patois du terroir, école. D'ailleurs, même ce patois, mélange d'arabe, de français et d'espagnol, est en train de disparaître sous la pression démographique et le poids de l'exode. Il y a trois générations dans les années 1950, les Oranais de souche disaient volontiers “galéta” pour les gâteaux ou parfois même “meskoutcha”. Ils disaient “tchikli” pour parler du chewing-gum ou “likhia” pour parler de vinaigre. La fourchette était désignée par le mot “garfou”, un mot dont la racine se perd au fond des âges. Certains vieux riverains, encore aujourd'hui, vous diront, pour montrer leur reconnaissance “moutcha merci” ou “moutcha gracia”. Les termes de “barrato” ou “largo” (“largua” pour le féminin) sont toujours en usage, particulièrement dans les bas quartiers, c'est-à-dire les zones du port, de la marine “marilla” et de Sidi El Houari. Le premier signifie beaucoup et le second veut dire long, haut ou haute. Mais au-delà de ce résidu linguistique, leg d'une occupation étrangère. Il est bon que les adultes de demain lâchent les amarres, quittent les quais figés de leur routine et s'enfoncent au creux des vagues, au large de leur histoire pour écouter autre chose que les sirène du raï. M. M.