Le préambule du nouveau statut d'autonomie catalane, spécifiant que les citoyens ont “le devoir de déterminer librement leur futur en tant que peuple”, doit certainement donner des insomnies au pouvoir central de Madrid. C'est à une véritable tempête qu'est confrontée la classe politique ibérique, à commencer par les deux plus grands partis qui se relaient au pouvoir. Le Parti populaire de José Maria Aznar et le Parti socialiste ouvrier Espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero ne s'attendaient pas à cette sortie du Parlement catalan, qui a défrayé la chronique en approuvant son nouveau statut d'autonomie le 30 septembre dernier. Ce document, adopté par 120 députés sur les 135 que compte le Parlement, évoque clairement dans son préambule que la “Catalogne, riche région de 6,5 millions d'habitants, est une nation” dont les citoyens ont “le devoir de déterminer librement leur futur en tant que peuple”. L'occasion n'a pas été ratée par le leader indépendantiste de la gauche républicaine catalane (ERT) qui s'est écrié : “Un pas de plus vers un Etat catalan. Vive la nation catalane libre !” Assurant la prééminence de la langue catalane dans tous les domaines, les 227 articles du projet résonnent comme une véritable Constitution, allant jusqu'à énumérer les droits fondamentaux des Catalans. L'inquiétude à Madrid est d'autant plus grande que le document ressemble comme une sœur jumelle de la libre association avec l'Espagne proposée dans le plan du président basque Juan José Ibarretxe. Selon le directeur du journal El Mundo, ce texte “est beaucoup plus dangereux et grave que le plan Ibarretxe car, entre autres raisons, au moins 50% des droits d'auteur reviennent au président du gouvernement en personne José Luis Rodriguez Zapatero”. Ce dernier, qui affirmait sans réserve aucune au leader des socialistes catalans, l'ex-maire de Barcelone Pasqual Maragall, “j'accepterai le statut qui sortira du Parlement catalan”, est désigné du doigt comme le premier responsable de cette situation pour le moins gênante pour son gouvernement. Il sera difficile à Zapatero de tenir sa promesse. Un reniement de son engagement pourrait alors provoquer une crise politique majeure avec la région catalane. C'est dire la dure tâche qui l'attend lorsque le projet atterrira au Parlement national. Selon les analystes, ce document connaîtra inévitablement un sort identique à celui qui a été réservé au plan de libre association des Basques. Pour rappel, le Congrès national des députés espagnols avait rejeté ce plan le 2 février dernier, provoquant une tension entre le parti au pouvoir depuis vingt-cinq ans au pays basque (PNV) et le pouvoir central. Ainsi, le gouvernement de Zapatero est pris entre deux feux, d'où des retombées négatives inéluctables sur sa gestion. Reste à savoir s'il cédera devant les menaces de scission basque et catalane ou entrera en conflit avec les dirigeants de ces deux régions frondeuses. Il ne fait aucun doute, des bras de fer sont inévitables entre le pouvoir central, d'un côté, et le pays basque et la Catalogne, de l'autre. K. ABDELKAMEL