Pour son premier discours du genre, le président Tebboune a dissous l'APN, a décidé de remanier le gouvernement et a gracié tous les détenus d'opinion. Dissolution de l'Assemblée nationale, remaniement gouvernemental et grâce présidentielle accordée aux détenus définitivement condamnés. Telles sont les principales annonces faites par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, jeudi soir, dans un discours à la nation. Des décisions prises quelques jours seulement après son retour d'Allemagne où il a subi une opération et au lendemain des consultations avec quelques partis politiques. Mais surtout à la veille de la célébration du deuxième anniversaire du Hirak. Brossant d'abord un état des lieux de la situation sanitaire qu'il a jugée "satisfaisante", le chef de l'Etat a ensuite abordé le dossier politique sur lequel il était le plus attendu. Sans surprise, il confirme ce que des chefs de partis reçus à la présidence avaient déjà annoncé. La dissolution de l'Assemblée nationale, mais sans préciser la date de la tenue des prochaines législatives anticipées, sachant que la dissolution de l'actuelle législature prend effet sitôt prononcée. Le président de la Chambre basse a réuni dans la soirée de jeudi le bureau de l'APN pour prendre acte de la décision d'écourter la 5e législature. Pour ce qui est du remaniement gouvernemental, le chef de l'Etat s'est donné 48 heures pour annoncer les partants et les nouveaux arrivants. M. Tebboune a affirmé avoir "pris connaissance des critiques dûment faites par les citoyens", concernant les performances de " certains secteurs ministériels", indiquant qu'"un remaniement ministériel sera opéré et annoncé dans les prochaines 48 heures", lequel touchera "les secteurs ayant enregistré, à notre sens et du point de vue des citoyens, des lacunes quant au règlement des problèmes". Si peu d'information ont filtré sur la composante de l'Exécutif, des sources concordantes assurent que l'équipe gouvernementale serait réduite de moitié. Il faut rappeler que le chef de l'Etat a émis des critiques à l'égard du staff dirigé par Abdelaziz Djerad avant de s'envoler pour l'Allemagne pour un second séjour médical. Mais le dossier sur lequel le locataire d'El-Mouradia a été le plus attendu était celui des détenus d'opinion. Il fallait un geste de détente pour tenter de calmer la colère qui monte dans la société. Il a ainsi décidé de gracier une soixantaine de détenus du Hirak. La décision est immédiate pour les prisonniers définitivement condamnés — une trentaine — et la deuxième vague de libérations concernera les détenus dont le jugement n'est pas encore prononcé. Un peu plus tard dans la soirée, la Présidence à précisé le propos du chef de l'Etat en assurant qu'il s'agit de "détenus condamnés définitivement pour des crimes liés aux TIC, ayant porté atteinte à des institutions de l'Etat avec comme conséquence la désinformation de l'opinion publique". Cette grâce touche également des détenus dont les dossiers sont en cours d'instruction, a-t-il encore précisé. Plusieurs détenus, à travers le pays, ont quitté la prison. Et face au flou qui a entouré le sort des autres détenus non encore libérés, le ministère de la Justice a indiqué, hier, dans un communiqué que "21 détenus définitivement condamnés ont été libérés vendredi, et les autres, dont le jugement n'est pas encore définitif, seront également libérés. 33 détenus ont déjà quitté la prison". Le communiqué du ministère assure que "les mesures se poursuivent pour les autres détenus". En abordant le chapitre des réformes politiques, le président de la République a loué la nouvelle Constitution qui, selon lui, consacre "des libertés et réduit ses prérogatives de Président". "Nous avons mené la bataille du changement des textes et des institutions, comme revendiqué par le Hirak béni et authentique du 22 février 2019", a-t-il indiqué, ajoutant que le changement radical "ne peut être concrétisé qu'à travers des nouvelles lois et institutions". M. Tebboune garde son cap et ne concède rien aux partisans de la "transition". "Lorsque les comportements et les mentalités changeront, nous parviendrons à des institutions indiscutablement reconnues et admises, et c'est là l'un des objectifs du Hirak béni", a-t-il encore rappelé.