Le dossier des détenus d'opinion connaît ces dernières semaines de nouveaux développements diversement appréciés par la classe politique et la société en général. Les prononcés des verdicts des derniers procès où comparaissaient des figures emblématiques du hirak, à l'image du jeune poète du mouvement populaire, Mohamed Tadjadit, libéré cette semaine, font ressortir un constat fortement contrasté. Coïncidant avec l'annonce des prochaines échéances électorales des locales et des législatives, précédées par le débat sur l'enrichissement de la loi électorale, la main de la justice semble, en apparence, moins lourde qu'elle ne le fut jusqu'ici dans le traitement des dossiers en appel des détenus du hirak. Mais il demeure que la pression sur les militants est toujours de mise ; on continue d'interpeller et condamner à de lourdes peines d'emprisonnement pour des délits d'opinion, à l'instar de cette enseignante de physique de Mostaganem, présidente de l'Association des chômeurs de cette wilaya, Dalila Touat, qui a écopé de 18 mois de prison ferme pour des publications sur Facebook, ou encore des 12 militants arrêtés vendredi dernier à Tlemcen lors d'une manifestation et contre lesquels le procureur a requis une année de prison ferme. On a l'impression que c'est le même film, avec le même scénario, le même décor entre arrestations, gardes à vue dans les commissariats, tribunaux et prisons, qui passe en boucle. On est loin du climat d'apaisement souhaité et réclamé puissamment par toutes les bonnes volontés en tant que gage sérieux pour sortir le pays de l'impasse politique dans laquelle il se trouve. Lequel passe par la libération totale de tous les détenus d'opinion et leur réhabilitation. L'expérience de toute une année folle de procès ininterrompus, sanctionnés par de lourdes peines d'emprisonnement de militants du hirak, émaillée de drames familiaux et de fractures dans la société, a montré que l'option de la judiciarisation de la vie politique nationale mise en place n'a pas d'avenir et ne peut pas être soluble avec le projet démocratique porté par des millions d'Algériens à travers le hirak. Déjà fortement décriée pour son instrumentalisation par le pouvoir politique, la justice s'est retrouvée dans une posture d'accusée en se déjugeant au gré des contingences politiques, condamnant puis innocentant, sans état d'âme, le même justiciable, selon la météo politique du jour. Un fait qui a d'autant plus écorné encore la crédibilité du système judiciaire que l'on continue, paradoxalement, d'interpeller et d'incarcérer des militants du hirak pour les mêmes chefs d'inculpation qui ont valu l'emprisonnement, puis la libération suite à un allégement des peines lors des procès, et pour certaines détenus, l'acquittement en bonne et due forme. Lorsque l'on voit, d'un côté, les chefs d'inculpation lourds : d'atteinte à l'unité nationale, au moral de l'armée, d'offense au chef de l'Etat, et d'autres tout aussi gravissimes pour lesquels les militants du hirak sont poursuivis et condamnés en première instance, et d'un autre côté l'acquittement prononcé en faveur de certains d'entre eux, on a du mal à croire que l'on a affaire à une même justice. Une chose est certaine : l'acquittement des généraux-majors Toufik et Tartag ainsi que Saïd Bouteflika, poursuivis par la justice militaire aux côtés de Louisa Hanoune pour «complot contre la sécurité de l'Etat» ne laisse aucun argument à la justice pour continuer à poursuivre et condamner des militants du hirak pour des chefs d'inculpation désormais vidés de leur substance délictuelle de par les acquittements prononcés. Cette nouvelle donne s'impose au juge, au titre de la jurisprudence, pour fermer définitivement et dans les meilleurs délais cette page sombre de la justice en vidant tous les dossiers des détenus d'opinion. Advertisements