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Le débat n'a pas eu lieu ; il peut donc commencer
Publié dans Liberté le 08 - 10 - 2005

Les avocats de Ali Benhadj ont protesté au sujet des accusations lancées par le ministre de l'intérieur contre leur client.
Il y a quelque chose de déroutant dans la protestation. Les deux avocats y voient moins un cas d'atteinte à l'indépendance de la justice et au secret de l'instruction qu'une atteinte à “la grande politique de réconciliation nationale initiée par le président de la République et adoptée par l'écrasante majorité du peuple algérien”.
Quand, il y a peu, Miloud Brahimi annonçait son soutien à “la charte pour la paix et la réconciliation nationale” et appelait ses “amis démocrates” à l'entériner, il semblait être dans son rôle de citoyen, même s'il ne nous paraissait pas être dans sa disposition de démocrate.
Nul ne songerait à contester à un avocat le principe de défendre un pousse-au-crime, fût-il le plus patenté de la mouvance intégriste. Il y a cependant quelque chose de déroutant à voir que le débat, pour autant qu'il y a ou qu'il en y eut, subit cet étrange glissement : tel justiciable est-il “justiciable” ou relève-t-il du domaine d'application de la charte, devenant alors “injusticiable” ?
L'incident qui est à l'origine de la mise au point des avocats de l'ancien numéro deux du FIS tombe à pic. Le cas Ali Benhadj a un intérêt jurisprudentiel, même si les textes d'application de la charte attendent d'être promulgués et rendent la discussion prématurée. C'est même une raison de rappeler à ceux qui joueront désormais aux exégètes qu'ils n'ont pas attendu d'en clarifier les termes pour précipiter leur appui à l'initiative — politique — du pouvoir. Maintenant, il serait naturel que le pouvoir, investi de la souveraineté illimitée de concevoir ce qui est bon pour la paix, ait le droit de légiférer et de décréter ce que bon lui semble, tant il s'est réservé de liberté de “lire (et donc de traduire) entre les lignes”.
En saisissant l'occasion de médiatiser la défense de leur client, Mes Brahimi et Zouita n'ont peut-être pas été au bout de leur argumentaire, quand ils soutiennent que la charte “doit s'imposer à tout le monde” et, surtout, qu'elle doit “s'appliquer à tous les bénéficiaires”. Ali Benhadj, pour la sémantique officielle, n'est pas un terroriste. Faudrait-il qu'il soit préalablement “promu” à ce statut pour le rendre attributaire des
largesses de la charte ? Faut-il intégrer dans le champ de
cette providentielle couverture toutes les atteintes à l'ordre public ? Faut-il considérer l'appel au meurtre, dérivé criminel de la notion de djihad, comme crime soluble dans la réconciliation au risque de devoir identifier les discours haineux qui
fusent de beaucoup d'institutions nationales, souvent via la télévision d'Etat ?
La charte est en phase de rééditer le subterfuge de la concorde civile : elle est réputée s'adresser à des repentis, mais faute de repentance, on la propose à tous les terroristes et à leurs commanditaires. Demain ce sera le cas Layada, ensuite El-Para… Bien sûr quelqu'un pensera à son tour à Boumarafi, un autre illuminé.
C'est le sort de toute équipée débridée : on ne sait jamais où cela s'arrêtera, où s'arrêtera la réconciliation pour qu'enfin commence la paix.
M.H.
Ps : La chronique du jour n'est pas disponible


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