La décision a été annoncée hier : les tribunaux seront désertés par les avocats, le 10 juin prochain. La cour d'Alger sera également boycottée à partir de la semaine prochaine et l'ouverture de la session criminelle du 9 juin risque de se dérouler sans les robes noires. C'est en tout cas ce qu'a décidé l'Union nationale des barreaux d'Algérie en guise de protestation contre « le piétinement des droits de la défense ». L'instruction est transmise à tous les avocats. « Attention ! Celui ou celle qui ne répond pas à cet appel sera suspendu », affirme Abdelmadjid Silini, bâtonnier d'Alger et président de l'Union nationale des barreaux. S'exprimant lors d'une conférence de presse animée hier à Alger, Me Silini atteste que les avocats sont à bout de patience et que cette réaction n'est que le résultat d'un important cumul de problèmes. Il y a un programme qui vise à rétrécir les droits de la défense et faire sortir les avocats des palais de justice », déplore-t-il devant un parterre composé de journalistes et de nombreux avocats. Le recours à la grève et au boycott de la cour, indique-t-il, s'impose, d'autant que les autorités font la sourde oreille aux multiples revendications des avocats. Au lieu d'améliorer la situation, les responsables de la justice, lance-t-il, renforcent les obstacles devant eux. « Ils ont réduit le métier à des interdits », explique-t-il. Pour étayer ses dires, l'orateur site de nombreux exemples. Bouteflika sollicité « Le ministère de la Justice refuse toujours de promulguer le statut de l'avocat en dépit des instructions données par le chef de l'Etat, en mars 2006. Nous nous sommes entendus sur un texte et la tutelle nous a ressorti un autre, avant de pondre un troisième que nous appelons enfant naturel. Il y a une volonté de nous presser », précise-t-il. A la question du statut s'ajoutent, selon lui, d'autres intimidations ayant pour objectif d'anéantir les droits de la défense. Le ministre de la Justice, révèle-t-il, lui avait envoyé une liste de 39 avocats poursuivis en justice pour « atteinte au règlement intérieur des institutions pénitentiaires ». « Ces avocats sont accusés parce qu'ils ont donné leurs cartes de visite aux prisonniers. En quoi est enfreignant à la loi le fait de donner sa carte de visite à un prisonnier ? », s'interroge-t-il. Des avocats, ajoute-t-il, sont aussi poursuivis en justice parce qu'ils ont porté plainte contre des juges. « Ils sont poursuivis pour accusation calomnieuse et l'avocat n'a pas le droit de se défendre. C'est très grave », s'exclame-t-il en élevant la voix. Poursuivant, Me Silini, qui semble être pressé par les membres du conseil de l'union des barreaux, critique la manière avec laquelle est mise en œuvre de la réforme de la justice. « C'est la déformation de la justice et non pas sa réforme. Le droit du citoyen est bafoué », clame-t-il sous les applaudissements de ses camarades. Affirmant avoir saisi à maintes reprises le ministre de la Justice à ce sujet, le premier responsable de l'union des barreaux se lève contre les pressions exercées contre les magistrats. Des pressions qui se retournent, souligne-t-il, contre les avocats. « A chaque fois que nous contestons auprès des magistrats, ils nous disent qu'ils obéissent à des instructions venant d'en haut. Non à la justice aux ordres », lance-t-il. Evoquant les problèmes dont souffrent les avocats à Alger, le conférencier en soulève deux. En plus de la non-consécration d'un espace aux avocats à la nouvelle cour d'Alger, Me Silini dénonce l'instruction donnée, selon lui, par le président de la Cour suprême aux greffiers de ne plus recevoir la défense. Estimant qu'il n'y a pas de justice libre en Algérie, le bâtonnier d'Alger appelle à l'intervention du président de la République pour mettre le holà au marasme de la défense. « Nous demandons l'installation d'une commission nationale indépendante pour évaluer l'état d'avancement du projet de la réforme de la justice », a-t-il indiqué.