Disqualifiés par le mouvement populaire qui réclame leur disparition de la scène politique pour avoir participé activement au règne catastrophique de Bouteflika, les partis qui ont appuyé le 5e mandat tentent de se replacer à la faveur des législatives anticipées. Une semaine après la convocation du corps électoral par le chef de l'Etat, ce n'est pas le grand enthousiasme chez la classe politique. Contrairement aux attentes du pouvoir, seuls les partis de l'ancienne alliance présidentielle sont chauds à l'idée de se lancer dans la bataille. Aussitôt le corps électoral convoqué, le parti du Front de libération nationale (FLN), le Rassemblement national démocratique (RND), le TAJ, l'Alliance nationale républicaine (ANR) ont vite applaudi l'initiative du chef de l'Etat. Comme lors des années Bouteflika et sans même attendre de consulter les structures de leurs partis, les états-majors de ces formations politiques ont déjà annoncé leur volonté de participer aux élections législatives anticipées du 12 juin. Même si les changements opérés dans la loi électorale ont refroidi les ambitions de certains dirigeants, puisque ne pouvant pas se placer en tête de listes, il n'en demeure pas moins qu'ils ont annoncé leur participation. À ces partis s'ajoute ce qui est désormais appelé "la société civile". Il s'agit en réalité d'associations et d'organisations de masse qui gravitaient déjà autour du système Bouteflika, à l'image de l'association des Scouts musulmans. Beaucoup de ces "groupes", qui ont des ramifications locales, ont changé de tête, mais en perpétuant les mêmes méthodes. Regroupées au sein de Nida El Watan (l'appel de la nation), ces associations vont parrainer des listes de candidatures, composées essentiellement de jeunes qui auront donc droit à des financements publics grâce à des dispositions de la nouvelle loi électorale. Les candidats qui seront élus vont certainement constituer une soupape de sécurité pour le pouvoir, lequel s'assurera ainsi d'une majorité grâce aussi à l'appui des partis de l'ancien régime. Alors qu'il les a ignorés lors du premier round de dialogue lancé l'été dernier avant l'annonce du référendum constitutionnel, Abdelmadjid Tebboune a réhabilité ces partis politiques lors des rencontres organisées ces dernières semaines. Abou El-Fadhl Baâdji, Tayeb Zitouni et Fatma-Zohra Zerouati ont été reçus à la présidence de la République au même titre que d'autres chefs de partis politiques, moins impliqués dans les gouvernements successifs d'Abdelaziz Bouteflika. Outre ces abonnés à l'allégeance et à la participation, les partis islamistes vont tenter leur chance. Avec le boycott quasi certain de la majorité des partis politiques de la mouvance démocratique, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) et El-Bina d'Abdelkader Bengrina y voient une opportunité royale pour aspirer à avoir une majorité parlementaire qui pourrait leur ouvrir les portes de la Primature. Selon Bengrina, son parti, qui a annoncé sa participation, se présentera dans le cadre d'une alliance électorale, alors qu'Abderrezak Makri ne l'a pas fait encore officiellement, même s'il estime qu'il n'y aura pas de "fraude cette fois-ci". Dans l'attente de l'aval de son conseil consultatif, le MSP ne fait, toutefois, pas mystère de ses intentions, puisque le président du parti, en déplacement le week-end dernier à Oued Souf, a affiché publiquement sa préférence pour une participation lors du scrutin du 12 juin prochain. En face, les partis regroupés au sein du PAD, franchement engagés dans le Hirak et attachés à l'idée de l'organisation d'une transition, ont déjà annoncé leur refus de participer à toute initiative qui viendrait du pouvoir politique actuel. Reste le Front des forces socialistes (FFS). Ecartelé entre la tentation de participer pour éviter le piège de "l'isolement de la Kabylie" — qui se retrouverait sans représentant et encouragera de fait les partisans de l'autonomie — et les pressions de sa base et du Hirak hostiles au scrutin, le FFS n'aura pas la mission facile pour trancher la question. Mais tout porte à croire que l'Algérie risque de se retrouver au terme du scrutin avec un Parlement qui ne sera pas vraiment différent de celui qui vient d'être dissous. Ce qui aggravera inévitablement la méfiance d'une partie conséquente des Algériens qui réclament plutôt un changement radical du système politique.