Pour la cinquième fois consécutive depuis la reprise des marches populaires, le 22 février dernier, la ville de Tizi Ouzou a vibré, hier encore, au rythme d'une grandiose mobilisation de la population qui a choisi cette date historique du cessez-le-feu pour réitérer son appel au changement radical de système et affirmer son rejet massif des élections législatives du 12 juin prochain. Peu avant 13h30, heure habituelle du départ de la grande démonstration du vendredi, le tronçon allant de l'esplanade du stade du 1er-Novembre jusqu'à l'entrée du campus Hesnaoua de l'université Mouloud-Mammeri était déjà noir de monde. La sérénité règne sur les lieux. Contrairement aux vendredis précédents, aucune présence policière n'est visible sur la place. Des chants commencent alors à fuser de la foule composée, comme à l'accoutumée, d'hommes et de femmes de tous âges et de toutes conditions sociales. Des pancartes et des drapeaux aux couleurs nationales et amazighes commencent à être brandis au-dessus des têtes. Cependant, tout le long de la grande artère qui longe le CHU Nedir-Mohamed, d'imposants groupes de manifestants continuaient d'affluer vers le point de départ de la marche. D'autres se mettent sur les trottoirs attendant son départ pour la rallier en cours de route. À 13h30, la foule prend le départ tel un fleuve tranquille en direction du centre-ville. Très bruyant, cependant.De l'impressionnante marée humaine fusaient des dizaines de slogans.Dans chaque carré, on passe en revue tous les slogans phare de l'insurrection populaire. "Abane Ramdane khella wsaya : madania, matchi 3askaria" (Abane a laissé un testament : Etat civil et non militaire) est, bien entendu, le slogan le plus repris dans les différents carrés. "Châab yourid iskat ennidham" (le peuple veut la chute du système) ; le premier slogan du 22 février revient à chaque fois avec insistance rappelant ainsi l'objectif premier de l'insurrection du peuple. En cette journée du 19 Mars qui commémore le cessez-le-feu, le mot "Istiqlal", (indépendance) revenait plutôt comme un refrain pour signifier que même si le pays est indépendant, 59 ans plus tard, le peuple n'a toujours pas recouvré sa liberté. Ce message est appuyé par de nombreuses pancartes et banderoles sur lesquelles on pouvait lire : "60 ans d'échec, ça suffit", "19 Mars 62-19 Mars 2021 : 59 ans après, l'indépendance est toujours spoliée", "19 Mars 62-19 Mars 2021 : 59 ans après le cessez-le-feu, l'Algérie enferme encore des détenus d'opinion". Sur de nombreuses pancartes, on a carrément déroulé des résolutions de la Soummam qui posaient théoriquement les fondements du système démocratique souhaité par les chefs de la Révolution, à leur tête Abane Ramdane dont de nombreux portraits sont également brandis aux côtés de ceux de Ben M'hidi, de Boudiaf, de Zighoud, d'Amirouche et de Krim Belkacem, le signataire des accords d'Evian. Le second grand message de la marche d'hier porte sur les élections législatives du 12 juin prochain. "Le changement ne viendra pas par les urnes", "Votre pilule électorale ne passera pas", lit-on sur de nombreuses pancartes brandies dans des carrés qui scandaient "Ulac l'vot ulac".