En dépit de la démission du président Bouteflika et des engagements du chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, quant à la satisfaction des revendications populaires, la rue ne décolère pas à Béjaïa. En effet, hier encore, au septième vendredi de la révolte populaire contre le régime politique en place, des centaines de milliers de personnes ont battu le pavé à travers les principales artères de la ville des Hammadites pour manifester contre la feuille de route du pouvoir qui tente de désamorcer la crise tout en sauvant le système. Le message des manifestants de Béjaïa est on ne peut plus clair et sonne tel un verdict sans appel : "Dégagez tous !" En témoignent d'ailleurs les nombreux slogans mis en avant hier par ces milliers de marcheurs, manifestement déterminés à faire dégager tous les dignitaires du système. "Ni Gaïd, ni Bedoui, ni Belaïz", ont-ils scandé à tue-tête tout au long de leur marche qui a démarré vers 13h30, depuis l'esplanade de la maison de la culture Taos-Amrouche. Avant l'entame de la manifestation, les nombreux citoyens venus de localités lointaines ont été conviés à un couscous préparé dans la matinée par des bénévoles et servi devant l'entrée principale de la maison de la culture. D'autres équipes de bienfaiteurs réparties sur plusieurs places publiques se sont attelées à servir gratuitement des sandwichs, des gâteaux, de l'eau minérale et autres boissons gazeuses aux manifestants. Un geste humanitaire qui illustre parfaitement l'esprit de solidarité et d'entraide qui anime le peuple algérien. Comme à l'accoutumée, les manifestants se sont scindés en carrés avant d'entamer leur marche sous les cris de "Ulac smah ulac", "Pouvoir assassin", "Système dégage", "Klitou lebled ya saraqine", "Echaab yourid iskat ennidham"... En plus des slogans habituels, la foule a brandi hier des banderoles et des pancartes portant de nouveaux mots d'ordre, tels que "Gaïd Salah dégage", "Bensalah dégage", "Non au gouvernement Bedoui", "On ne peut pas faire du neuf avec du vieux", "Pour le départ de toute la bande de malfaiteurs"... Même les deux anciens walis de Béjaïa, Ahmed Hamou Touhami et Mohamed Hattab, n'ont pas été épargnés par les foudres des manifestants. "Les hommes des barons de la mafia locale", "Deux symboles de la corruption, deux responsables de la destruction de la wilaya de Béjaïa", "Walis = tube digestif", ce sont là les slogans écrits sur une imposante banderole portant les photos des deux anciens commis de l'Etat incriminés, accrochée devant la mosquée Ibn Badis, sise au quartier populaire d'El-Khemis, quelques heures avant le coup d'envoi de la marche. Arrivée au carrefour de Naceria, la procession humaine a marqué une halte pour observer une minute de silence à la mémoire des martyrs de la Révolution (1954-1962), mais aussi de ceux du Printemps noir de Kabylie. Après avoir sillonné les principales artères de la ville, les manifestants se sont dispersés dans le calme.