Depuis quelques jours, Meriem avait remarqué que Norredine semblait préoccuper. Il s'enfermait dans un silence qui l'inquiétait au plus haut point. Lui, de nature joyeuse, avait perdu son sourire. Ses sourcils souvent froncés l'enfonçaient dans ses sombres pensées. La mère l'entendit soupirer, le cœur serré, elle tenta de se rapprocher de lui. Elle avait l'impression que son fils lui cachait quelque chose. Elle ne lui connaissait pas de souci particulier. Excellent élève, il avait décroché le bac avec mention. Personne ne lui connaissait une histoire d'amour impossible. Il était devenu nerveux et agressif avec ses sœurs et son jeune frère Djamel. Ces derniers ne pouvaient plus discuter en sa présence. Ils évitaient même de rester dans la même pièce que lui. Meriem maudit le diable, finissant de repasser leurs vêtements. Un coup d'œil à la pendule, accrochée au mur du salon, lui rappela que la journée était très avancée. Elle n'avait rien de prêt pour le dîner. Elle débrancha le fer à repasser avant de se rendre à la cuisine. Elle prit son tablier et le noua, toujours aussi pensive et inquiète. Elle jeta un coup d'œil dans le frigo et sortit les légumes pour préparer une soupe. Elle était en train de les éplucher quand son principal souci fit irruption dans la cuisine, le visage plus sombre que jamais. -Maman, il faut que je te parle. -Khir ya wlidi ? Meriem s'attendait au pire. Le cœur serré, elle tenta d'accrocher son regard, s'attendant au pire. -Norredine, que se passe-t-il ? Je suis là pour t'écouter et t'aider. Dis-moi ce qui te tourmente. -Voilà, commença-t-il en s'asseyant en face d'elle. Il faut que je te prévienne, j'ai l'intention d'étudier à l'étranger, je vais avoir besoin d'argent. Est-ce que tu pourras m'aider ? -T'aider ?, reprit-elle, hésitante. Mais comment ? -Non, tu m'as mal compris. Je veux que tu me soutiennes dans mon projet, dit-il. Promets-le moi. Papa ne voudra pas, je le sais d'avance. Mais si tu me soutiens, ce sera différent. Je tiens à partir d'ici, tu entends ? Tu dois lui parler ou si je le fais, j'ai besoin de ta bénédiction. Sache que s'il refuse de m'aider, je partirais d'ici. Vous pourrez me dire adieu. Vous ne me reverrez plus. -Arrête de dire des bêtises, le pria-t-elle. Tu me fais du chantage alors que tu sais que je ne peux pas m'éloigner de toi, de ton frère et de tes sœurs. Je ne voudrais pas que tu partes à l'étranger. -Yemma, si je pars avec votre bénédiction, je reviendrai, promit-il. Mais si vous refusez de me soutenir dans mon projet, je partirai et vous ne me reverrez plus. Si vous me laissez partir, je te jure de revenir. -Ya Rabbi, aâlech ? Qui t'a mis ces idées dans la tête ? Pourquoi ? Tu n'es pas bien avec nous ? -Yemma, j'aspire à mieux. Est-ce mal ? -Tu resteras longtemps absent, fit-elle remarquer, en manquant de se couper un doigt. Ces études te prendront combien d'années ? Norredine hausse les épaules. -Quatre, cinq ans. Yemma, je travaillerais en parallèle et je viendrais chaque année vous voir. Je vous aime tant. -Mais tu préfères partir, lui reprocha-t-elle. -Je reviendrais avec plein de cadeaux pour toi, mes sœurs... Je t'en prie, donne-moi ta bénédiction et ta parole. Tu vas défendre ma cause devant papa. -Si cela peut te ramener à moi. -Yemma, je ne voulais pas me fâcher avec toi et partir sans ta bénédiction. -Tu l'as, même si j'ai le cœur brisé, dès maintenant. Norredine était si heureux qu'il sauta de joie et la prit dans ses bras, la faisant tournoyer dans la cuisine. -Repose-moi, lui ordonna-t-elle. Je ne partage pas ta joie. Je n'ai aucune envie de voir l'un de vous partir de la maison. J'ai cédé à ton chantage. Norredine lui obéit, puis l'embrassa sur le front avant de quitter la cuisine. Meriem sursauta lorsque la porte d'entrée claqua. La main sur le cœur, les larmes aux yeux, elle s'assit alors que Baya et Feriel la rejoignirent à la cuisine pour l'aider. -Yemma ? Mais tu pleures...
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