Le Syndicat national des architectes algériens agréés (Synaa) a appelé les pouvoirs publics à mettre un terme aux dérives caractérisant la répartition de la dépense publique dans le secteur de la maîtrise d'œuvre. Dans une lettre ouverte, adressée au ministre de l'Habitat, le syndicat a estimé impérieux la mise en place des conditions à même de faire respecter un accès loyal et équitable à la concurrence dans le secteur de la maîtrise d'œuvre, sur la base des seuls critères de qualité de l'œuvre, conditions indispensables à l'émergence de la qualité en architecture. Pour ce faire, le Synaa demande que les cahiers des charges soient fondamentalement révisés et fassent l'objet d'une concertation la plus large possible. Pour le syndicat, ces cahiers des charges, qui ne sont autres qu'une "classification administrative" à peine voilée des structures d'étude, rendent sévèrement exclusives les critères arbitraires d'accès à la commande architecturale, confrontant ainsi les architectes à des conditions des plus inconsidérées qui soient, ouvrant la voie à une minorité pour accaparer la majeure partie du budget consacré. Tout en dénonçant cette exclusion des architectes de la commande publique en maîtrise d'œuvre, le syndicat a déploré que la profession, qui ne compte aujourd'hui que 9 000 architectes agréés (2 pour 10 000 habitants), se trouve réduite à quémander des règles d'accès à la concurrence équitables et transparentes, afin d'assurer sa survie. Argumentant ces propos, le syndicat a relevé que les données documentées émanant des confrères sur le territoire national et des bureaux locaux de wilayas du Synaa laissent apparaître, sur les deux dernières années (août 2018-août 2020) des disparités flagrantes quant à la répartition de la commande publique de maîtrise d'œuvre relative à la réalisation d'un programme de plus de 130 500 logements, toutes formules confondues. Sur cette période, moins de 15% des architectes inscrits à l'ordre ont pu bénéficier de la répartition de la commande publique. Dans le cadre de ce programme de logements de 16,3 milliards de dinars en honoraires de maîtrise d'œuvre, 4% seulement des architectes inscrits à l'ordre ont pu en bénéficier. Sur les 9 000 architectes, 29 attributaires ont capitalisé 5,46% des projets, représentant 50,3% du montant total de la commande publique d'une valeur de 8,235 milliards de dinars, avec des honoraires s'échelonnant entre 100 et 795 millions de dinars. Au vu des avis d'attribution qui se suivent et se ressemblent, les chiffres recueillis durant le dernier semestre sont loin de démentir cette tendance, a ajouté le syndicat. Dans sa lettre, publiée sur son site internet, le syndicat a souligné que cette iniquité flagrante n'a été rendue possible que par les restrictions à l'accès à la concurrence, imposées sous le couvert d'une classification des architectes sur la base des moyens matériels et non sur la qualité du projet architectural, ni sur la compétence, la créativité ou la maîtrise. Avec les programmes importants et la mobilisation de moyens financiers colossaux pour leur réalisation, le Synaa a indiqué que la commande publique en bâtiment aurait dû être un levier économique pour promouvoir l'architecture et la construction en Algérie. Mais, force est de constater qu'aujourd'hui tout cet effort national n'aura pas rejailli sur les moyens du pays. Saïd Smati