Quelque soixante-douze détenus du Hirak sont à leur troisième jour de grève de la faim à la prison d'El-Harrach, a-t-on appris de leurs avocats. En détention préventive, depuis deux mois pour certains, ils protestent d'abord contre leur arrestation et emprisonnement sur "la base de dossiers vides", a expliqué à Liberté Me Abdelghani Badi, joint par téléphone. Les grévistes de la faim, qui exigent aussi des "procès équitables", ont eu recours à ce moyen de contestation pour faire "accélérer la procédure d'instruction de leurs dossiers", a ajouté la même source. Me Yamina Alili a confirmé aussi cette information et les raisons de cette grève de la faim. Une source proche des familles des détenus au sein du Comité national pour la libération des détenus (CNLD) nous a expliqué que "les mauvaises conditions de détention des détenus et le traitement infligé à certains d'entre eux" les ont poussés à cette grève. "Des détenus dorment par terre avec une seule couverture, alors que certains sont malades. L'administration pénitentiaire leur a limité la réception de vêtements à une fois par mois, sans oublier le fait qu'ils n'ont pas le droit aux couffins", a ajouté la même source, soulignant que "des détenus ont été privés de la visite de leurs familles récemment pour avoir protesté contre le mauvais traitement contre un des leurs et pour avoir réclamé de meilleures conditions". Aussi, au moins 10 détenus du groupe des 22 manifestants placés sous mandat de dépôt le 5 avril dernier à Alger, eux aussi en grève de la faim, ont été transférés hier vers la prison de Koléa (Tipasa), a-t-on appris des mêmes sources. Ils avaient été arrêtés lors de la marche du samedi 3 avril (empêchée) à Alger. On ignore encore les raisons de ce transfert qui intervient au lendemain du déclenchement de cette grève de la faim. Plusieurs détenus avaient déjà observé des grèves de la faim de plusieurs jours, aussi bien à Alger qu'à Oran ou dans les autres villes du pays, où plus de 214 manifestants sont actuellement détenus, dont plus d'une centaine a été arrêtés depuis seulement mai dernier dans au moins 19 wilayas, selon le bilan fourni par le CNLD. Alger comptabilise le plus grand nombre de détenus qui a dépassé les 120 depuis le début de la révolution populaire le 22 février 2019. En novembre dernier, plusieurs détenus politiques et d'opinion ont été remis en liberté ou en liberté provisoire. Mais depuis la reprise des marches le 22 février dernier, à l'occasion de l'an deux du Hirak, les arrestations des manifestants ont repris avec force, intervenant parallèlement à l'interdiction des marches du vendredi à Alger depuis trois semains consécutives et dans d'autres wilayas. Et même si à Tizi Ouzou et à Bejaia les marches continuent d'avoir lieu, les arrestations de militants se poursuivent aussi, en plus des convocations de certains par la police pour des publications sur les réseaux sociaux, liées au Hirak. Cette vague de répression intervient par ailleurs à la veille des élections législatives du 12 juin, rejetées par beaucoup d'Algériens et des partis de l'opposition.