Plus de soixante détenus d'opinion croupissent, pour certains, depuis plus d'un an dans les prisons. Depuis le début du mouvement de protestation contre le régime, le 22 février 2019, des centaines de manifestants eg de militants ont dû visiter, au moins une fois, la prison. Certains sont, jusqu'à aujourd'hui, incarcérés sans avoir été jugés. Ils sont pour ainsi dire les oubliés de la mobilisation en faveur des détenus d'opinion. Selon la liste du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), mise à jour le samedi 26 septembre 2020, 61 militants et activistes politiques restent encore incarcérées dans 26 wilayas. La plupart ne sont pas très connus. Ayant participé aux marches ou publié des posts sur les réseaux sociaux dénonçant le régime en place, certains d'entre eux ont vu arriver puis partir d'autres détenus du Hirak, relaxés ou condamnés à une peine déjà purgée. C'est le cas de Walid Nekiche, étudiant à l'Institut national supérieur de pêche et d'aquaculture d'Alger, arrêté lors de la marche des étudiants le 26 novembre 2019, à Alger. Ce jeune homme de 24 ans, en détention provisoire depuis plus de neuf mois à la prison d'El-Harrach, est poursuivi pour "atteinte à la sécurité nationale" et "complot contre l'Etat". Son procès n'a toujours pas eu lieu. Walid Kechida, un autre jeune militant, qui traite avec humour de la situation politique dans le pays avec des "Mems humoristiques", reste, lui, en détention provisoire depuis le 27 avril dernier. Inculpé par le juge d'instruction pour "atteinte à corps constitués", "outrage et offense au président de la République" et "atteinte à l'entité divine", l'artiste a vu sa détention provisoire prolongée, le 24 août dernier, pour quatre mois supplémentaires. Des dizaines d'autres détenus, moins médiatisés et politiquement moins en vue, demeurent, pour ainsi dire, "les parents pauvres" de la mobilisation populaire en faveur de leur libération et de l'indépendance de la justice. C'est le cas d'Ameur Guerrache, de Mohamed Athmane et de nombreux autres dont seules les publications sporadiques de leurs avocats et du CNLD sur les réseaux sociaux font état. La suspension du Hirak en mars dernier, en raison de la crise sanitaire, n'a d'ailleurs pas empêché une nouvelle vague d'arrestations et de mises en détention provisoire de militants et d'activistes pour des publications sur Facebook. Des interpellations et des incarcérations, que des organisations internationales, comme l'ONU et certaines ONG, n'ont cessé de dénoncer comme étant autant d'atteintes aux droits humains et aux libertés d'opinion et d'expression. Parmi ces organisations figure Amnesty International dont le président de la République a mis en avant le sérieux et la crédibilité, dimanche dernier, lors d'une entrevue télévisée avec les représentants des médias nationaux. La même organisation avait pourtant appelé en mai dernier à la libération de tous les détenus d'opinion, allant jusqu'à reprocher aux autorités algériennes de tirer profit du contexte de la propagation du coronavirus pour "accélérer la répression contre les militants du Hirak, jeter les opposants en prison et réduire les médias au silence". Un appel qui ne trouve toujours pas écho auprès des décideurs algériens, malgré l'urgence d'instaurer un climat d'apaisement politique dans le pays.