Le parlement européen a adopté jeudi une résolution dans laquelle il a rappelé au Maroc que la question migratoire ne pouvait être utilisée à des fins politiques, à plus forte raison lorsque les migrants sont des mineurs. Il s'agissait aussi, pour le parlement, de signaler à Rabat que l'adoption de ce genre de méthodes pouvait être considéré comme un geste hostile, pas seulement par l'Espagne, pays ciblé directement, mais par l'Union européenne dans sa globalité. Au mois de mai dernier, des milliers de migrants clandestins, dont beaucoup de mineurs non accompagnés, ont franchi la frontière marocaine avec Ceuta, zone contrôlée par l'Espagne, après le relâchement du contrôle du côté marocain. La résolution du parlement européen, qui fait clairement le lien entre cette récente crise migratoire et l'hospitalisation en Espagne, entre avril et début juin, du président sahraoui Brahim Ghali, cite une déclaration du ministre marocain des Affaires étrangères. Ce dernier "a reconnu que l'entrée massive de milliers de personnes, dont des enfants, découlait directement du fait que le chef du Front Polisario avait été accueilli en Espagne". Aux yeux du parlement européen, cette situation a été créée "par le Maroc en raison d'une crise politique et diplomatique après que le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, atteint par le coronavirus, a été admis dans un hôpital espagnol pour raisons humanitaires". L'Espagne a réagi, en mai dernier, affirmant que le Maroc utilisait la carte migratoire pour influencer les positions politiques de ce pays par rapport à la question du Sahara occidental. La résolution adoptée par le parlement européen jeudi a rappelé au Maroc, de manière directe, que les frontières sud de l'Espagne étaient aussi celles de l'Union européenne. Le parlement a signalé, à ce propos, que la protection et la sécurité de Ceuta concernent l'ensemble de l'Union européenne car la ville autonome fait partie de ses "frontières extérieures". L'usage de la carte migratoire par le royaume du Maroc à des fins politiques n'est pas une nouveauté. En février dernier, des diplomates espagnols s'exprimant sous le couvert de l'anonymat ont expliqué au site d'information spécialisé dans le monde arabe, Orient XXI, que "Rabat voudrait que les pays européens suivent l'exemple des Etats-Unis (...) Pour cela, tous les moyens sont bons, y compris laisser filer l'émigration clandestine vers les Canaries espagnoles". "En 2020, 23 023 immigrés sont arrivés par la mer dans l'archipel (des Canaries), surtout au cours du dernier trimestre. C'est un chiffre en hausse de 757% par rapport à 2019", signale le site. Selon le même média, les migrants marocains arrivés en 2020 aux Canaries "sont partis, tout comme bon nombre de subsahariens, des côtes du Sahara occidental, un phénomène sans précédent", alors que "lors de la précédente crise migratoire, en 2006, les rafiots des sans-papiers prenaient la mer surtout du côté de la Mauritanie et du Sénégal". Le 15 janvier dernier, le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita avait tenté d'inciter les pays européens à changer de position sur le dossier du Sahara occidental et emboîter le pas à l'ancien président américain Donald Trump, qui a reconnu la prétendue souveraineté du Maroc sur ce territoire non autonome, en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Par ailleurs, le Front Polisario s'est dit, jeudi, satisfait de la résolution adoptée par le parlement européen, qui rejette les pratiques du régime marocain, souhaitant que cette décision engage l'Union européenne (UE) à rompre clairement avec la complaisance et l'impunité à l'égard de Rabat. R. I.