Dans cette interview, le directeur général de l'Office national de l'assainissement (ONA) de la région d'Alger, M. Hasni Karim, revient sur la nouvelle politique de l'assainissement, le plan d'action lancé pour la minimisation de la pollution urbaine. Liberté : Pouvez-vous nous donner un aperçu sur l'état des lieux de l'assainissement ? Hasni Karim : Il faut tout d'abord savoir que jusqu'au 31décembre 2002, les réseaux d'assainissement et l'ensemble des infrastructures d'assainissement des eaux usées étaient directement gérés par les communes. Les services communaux s'occupaient de cette activité sans tenir compte des normes adoptées de par le monde. Des enveloppes financières assez conséquentes ont été même dégagées à titre d'investissement pour l'assainissement. À titre indicatif, quelque 73 milliards de dinars ont été investis de la période allant de 1973 à 1999 et ce, pour la réalisation de grands ouvrages et autres infrastructures destinés à l'assainissement. Cependant, faut-il relever l'absence de prise en charge réelle de cette activité à travers le territoire national. Cette situation a eu évidemment des répercussions négatives et directes aussi bien sur la vie du citoyen que sur l'environnement. Nous signalons à ce stade l'arrêt quasi total des stations d'épuration et de traitement des eaux usées. Auquel s'ajoutent les quelque 32 000 km de réseaux d'égouts qui étaient à l'état d'abandon. C'est ainsi que des foyers de maladies à transmission hydrique se sont multipliés dans plusieurs régions du pays. À titre d'exemple, je citerais l'épidémie de la typhoïde de Dergana, en 1992, qui a coûté à l'Etat la bagatelle de 10 millions de dinars ou encore celle de Aïn Taya, en 1995, qui a coûté à l'Etat 100 millions de dinars. On comprend que ce lourd investissement consenti par les pouvoirs publics n'a pas été accompagné d'une véritable politique de gestion de ce secteur… En effet, le gouvernement a engagé des investissements lourds dans la réalisation de gros projets, sauf que ces réalisations n'ont pas été accompagnées d'une politique de gestion, d'exploitation et de maintenance susceptible de garantir et d'assurer la pérennité de ces ouvrages et infrastructures. Après quoi, les pouvoirs publics ont pensé donc à la création d'un établissement spécialisé, en l'occurrence l'Office national de l'assainissement (ONA). Cet établissement assure, faut-il le souligner, particulièrement la gestion et l'exploitation de 18 stations d'épuration, 60 stations de relevage et 160 réseaux d'égouts répartis à travers le territoire national. Ces stations ont-elles été créées et disséminées en fonction des bassins versants ? Actuellement, les stations existant dans les quatre régions du pays sont fonctionnelles. Pour le Centre, il s'agit des stations d'épuration (Step) de Reghaïa, Staouéli, Lakhdaria, Tizi Ouzou, Boumerdès, Thénia, Zemmouri, Sétif, BBA et Koléa. Quant à la région ouest, il y a celles de Maghnia, Mascara et Saïda, en attendant celles d'El-Oued et de Ouargla. Pour la région est, Souk-Ahras, H'nancha, Chelghoum Laïd et Constantine. Et, enfin, pour la région sud : Touggourt. La prise en charge de l'opération d'assainissement a assurément un impact direct sur l'environnement et la santé publique. La première démarche entreprise par l'ONA au lendemain de sa création est celle liée à l'interruption de tous les rejets qui vont directement à la mer. Jusque-là, plusieurs oueds déversent sur la côte. Ce plan d'action que vous avez exposé, on peut l'assimiler au plan Marshall, qui repose sur la minimisation et la maîtrise de la pollution urbaine ; qu'en est-il de la pollution industrielle ? L'industrie est largement responsable de l'ensemble de la pollution nationale. Les industries ont été implantées sur la frange littorale qui représente 1,7% de la superficie totale du pays, et où réside la grande majorité de la population. En effet, la plupart des industries polluantes se retrouvent autour des grands centres d'Alger, d'Oran, de Constantine et de Annaba. La plus grande part du parc industriel s'est développée autour des années 1960 et 1970, ce parc est devenu vétuste donc très polluant. Le Grand-Alger représente l'une des régions les plus importantes du pays du point de vue de l'activité industrielle. Il existe environ 735 unités industrielles publiques et privées au niveau du Grand-Alger, soit 7,2% du total national estimé à 10 204 unités. L'activité industrielle polluante est localisée à la périphérie d'Alger au niveau des zones industrielles de Gué de Constantine (8 km du centre-ville), d'El-Harrach (11km du centre), de Oued Smar (15 km du centre) et de Rouiba-Réghaïa (30 km du centre). Le Grand-Alger comporte donc 4 zones industrielles réparties sur deux bassins versants. La plupart des industries ne sont pas dotées d'une technologie permettant un traitement et un contrôle de la pollution ; les quelques entreprises qui disposent d'un système de traitement ne l'entretiennent pas ou ne maîtrisent pas encore ce type d'installations. Qu'en est-il des actions de sensibilisation, de contrôle et de répression ? La maîtrise de la pollution industrielle incombe à un autre ministère. Néanmoins, la maîtrise de la pollution urbaine et industrielle sont deux actions complémentaires et indispensables pour la mise en œuvre des engagements de l'Algérie aux différentes conventions internationales. Le ministère concerné a mis en place une fiscalité environnementale draconienne accompagnée par de sanctions extrêmement importantes. Rafik H.