La Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh) dresse un sombre tableau sur la situation des libertés en Algérie. Dans une déclaration rendue publique hier, l'ONG que dirige Me Noureddine Benissad estime que "la situation est alarmante, d'où notre appel urgent, que nous réitérons encore une fois, à l'adresse des pouvoirs politiques pour se ressaisir et abandonner sa feuille de route qui constitue une menace avérée pour le présent et l'avenir du pays". Une situation qui traduit, selon la Ligue, "l'échec de l'approche du tout sécuritaire marquée par une escalade sans précédent de la répression et des restrictions des libertés", alors que la campagne qui vise toutes les voix discordantes du Hirak, de l'opposition démocratique et la société civile se poursuit. "Cette campagne prend une ampleur inquiétante qui menace chaque jour les acquis démocratiques et les droits humains arrachés de haute lutte, et pourtant consacrés par le droit national et les conventions internationales ratifiées par l'Algérie", déplorent les responsables de la Laddh. Avant d'enchaîner en ces termes : "Jamais dans le Hirak qui a ouvert une nouvelle page dans l'histoire de l'Algérie, nous avons assisté à une telle dérive autoritaire, animée par une volonté manifeste d'en finir avec le Hirak et d'enterrer définitivement les espoirs du peuple algérien d'édifier l'Etat de droit démocratique et social de la diversité et du vivre ensemble en paix et réaliser le serment de nos martyrs de la guerre de Libération nationale." Preuve en est, près de 6 400 arrestations ont été opérées à l'échelle de tout le pays, depuis le retour du Hirak en février 2021, après une année de trêve sanitaire due à la pandémie de Covid-19, alors que la liste des détenus a atteint pour la première fois dans le Hirak : "300 détenus d'opinion, dont le journaliste Rabah Karèche, l'avocat Arslane Abderraouf, des femmes, des étudiants, des universitaires, des militants des partis politiques et des acteurs associatifs dont Nacer Meghnine, président de l'association SOS Bab El-Oued", soutient-on. Dénonçant la vague de répression et les arrestations "qui ciblent sans discernement toutes les voix discordantes", la Laddh alerte sur la dégradation continuelle des droits humains et le recul des libertés démocratiques. Si certains détenus sont condamnés à de "lourdes peines avec des amendes", d'autres sont en détention provisoire sans audition et sans procès depuis de longs mois, dont un bon nombre d'activistes sont poursuivis pour "des accusations graves et risquent gros", a-t-on précisé. Et d'ajouter que "beaucoup d'autres militants se retrouvent sous contrôle judiciaire privés de leurs droits politiques, parmi des leaders du Hirak, à l'image de Karim Tabbou et des journalistes El-Kadi Ihsane et Saïd Bouddour". Les rédacteurs de la déclaration pointent, en outre, la menace de dissolution qui pèse sur les partis politiques, dont le PST, l'UCP, le MDS, le PT et le RCD, ainsi que certaines associations qui échappent au contrôle du pouvoir, telles que le RAJ et SOS Bab El-Oued, qui sont, aujourd'hui, victimes "de harcèlement et de campagne de diabolisation via les relais médiatiques du pouvoir, y compris de la part de la télévision nationale officielle", a-t-on déploré. En somme, les responsables de la Laddh dressent un bilan "chaotique qui contredit clairement les promesses faites par le président Tebboune de 'l'Algérie nouvelle', du changement, des libertés, en rupture avec l'ancienne honnie par le peuple", ont-ils regretté. Pour preuve, les élections législatives du 12 juin dernier ont été boudées par une large majorité du peuple algérien, "ce qui confirme le rejet de la feuille de route politique du pouvoir".