Si la révision du dispositif des subventions généralisées est nécessaire, sa concrétisation restera complexe, en raison notamment, de l'importance de l'informel. La révision de la politique des subventions de l'Etat, en vue de cibler les catégories sociales qui en ont le plus besoin, semble se mettre en place. Une intention que confirme très clairement le directeur général de la modernisation et des documents d'archives au ministère de l'Intérieur, Mahfoudi Redouane qui a annoncé, avant-hier, sur les ondes de la Chaîne 1 de la Radio nationale, l'achèvement du chantier d'élaboration d'un fichier national des revenus, pour mieux cibler les bénéficiaires des subventions et des aides de l'Etat. "Nous avons fait le recensement", a-t-il indiqué. La loi de finances complémentaire pour 2021 a prévu une enveloppe de 50 milliards de dinars en guise de "compensation monétaire au profit des ménages, dans le cadre de la réforme des subventions qui pourrait intervenir au deuxième semestre de l'année en cours". Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, dans une interview accordée à l'hebdomadaire français Le Point, avait annoncé qu'il comptait lancer, après les élections législatives et locales, une réflexion nationale sur la réforme des subventions étatiques, incluant notamment les syndicats, le Conseil national économique et social et environnemental et les élus. Si la révision du dispositif des subventions généralisées, est sans doute nécessaire, sa concrétisation reste, néanmoins, techniquement complexe, en raison notamment, de l'importance de l'emploi informel en Algérie. Bien qu'ayant diminué de 50,4% en 2009 à 41,9% en 2019, l'emploi informel reste à un niveau élevé, selon les données officielles. Celui-ci est essentiellement le fait du secteur privé dont près des deux tiers de l'emploi sont dans l'informel, soit environ 4 727 000 travailleurs. La difficulté de cibler les plus nécessiteux se manifeste déjà dans les programmes existants. Brahim Guendouzi, professeur d'économie, fait remarquer que "le coût financier de la politique des subventions des prix est énorme remettant ainsi en cause la viabilité des finances publiques". Selon lui, "c'est tout le système économique qui est concerné, aussi bien les ménages que les entreprises". La révision du système des subventions, estime-t-il, s'avère alors complexe car la question qui se pose est "par où commencer ?". En effet, explique Brahim Guendouzi, "la partie visible de l'iceberg (l'économie formelle) peut être appréhendée au travers de fichiers avec des statistiques disponibles même si parfois elles manquent de fiabilité". Il a ajouté qu'"il existe une partie de l'iceberg (l'économie informelle) non visible mais représentative d'une activité économique intense, des revenus, des disponibilités monétaires, etc". Le bénéfice du système des subventions, constate l'économiste, va à toutes les couches sociales, aisées et démunies, activant dans le formel ou non. "Cependant, si l'on raisonne en termes d'adéquation prix-revenus, il s'avère qu'en Algérie la formation des prix comme celle des revenus sont influencées également par le secteur informel", affirme Brahim Guendouzi. Aussi, estime-t-il, "la révision du système des subventions doit obéir en premier lieu à un assainissement dans le fonctionnement des structures économiques, la refonte du système fiscal et la généralisation de la digitalisation dans les administrations publiques". Ensuite il faudra mener des études d'impact pour pouvoir limiter les distorsions susceptibles d'être obtenues avec l'application de la vérité des prix. En définitive, conclut l'économiste, "la révision du système des subventions nécessite une longue préparation ainsi que des modifications dans les schémas organisationnels de l'économie nationale, car c'est le calcul économique et la rationalité économique qui vont carrément changer que ce soit au niveau des ménages que des entités économiques". Meziane Rabhi