Deux initiatives citoyennes louables vont permettre, grâce à deux structures provisoires pouvant accueillir les malades de Covid, de soulager grandement les hôpitaux de Boghni et de Draâ El-Mizan. Alors que la courbe des contaminations à la Covid-19 ne fléchit toujours pas à Tizi Ouzou, et que tous les hôpitaux et autres structures de santé sont déjà saturés, la population et les opérateurs économiques des quatre coins de la wilaya multiplient les initiatives visant à soulager ces structures de santé et leur venir en aide pour pouvoir faire face à l'afflux de patients toujours important. À Draâ El-Mizan, un opérateur économique d'Aït Yahia Moussa, Amar Mechai du village Tafoughalt, n'a pas hésité à mettre à la disposition de l'hôpital Krim-Belkacem, une structure flambant neuf, composée d'un rez-de-chaussée et d'un étage pouvant accueillir une centaine de lits. "Après avoir entendu l'appel de détresse du directeur de l'hôpital, nous avons décidé de proposer au chef de daïra et aux autorités locales de mettre à la disposition de l'EPH notre immeuble car nous savons qu'il sera utile en cette période de crise et de saturation de l'EPH. Notre proposition a été aussitôt acceptée et les responsables concernés ont mis en place le dispositif adéquat pour sa mise en service en urgence. Elle sera opérationnelle dans les quarante-huit heures à venir", explique Hamid Mechai, l'un des enfants de cet opérateur économique. Cette structure a été aussitôt équipée en literie par l'Institut de formation de santé privée "Sihati". Lors d'une virée sur les lieux, il nous a été donné de constater que la structure s'est déjà transformée en hôpital. "Pour le moment, nous avons réservé le rez-de-chaussée et le premier étage. Si le besoin s'en ressent, nous ajouterons encore un autre espace", assure notre premier interlocuteur. L'initiative n'a pas tardé également à être soutenue par d'autres opérateurs qui se sont, d'ores et déjà, engagés à équiper cette structure en draps et couettes. Le directeur de l'EPH, Lounès Bounous, a expliqué que dans un premier temps, cette structure sera utilisée comme un service d'urgences et un centre de tri. "Notre service d'urgences est transformé en service Covid-19. Nous allons, donc, accueillir les malades dans cette structure pour des consultations en attendant sa dotation en oxygène parce que nous avons des promesses. En tout cas, c'est une initiative citoyenne louable à plus d'un titre. La structure pourra être adaptée si la situation l'exige en un hôpital de 120 lits", dit-il. Concernant le personnel, le directeur indique que des contrats seront accordés aux agents paramédicaux qui ont, déjà, déposé leurs dossiers auprès de ses services. "Le chef de daïra a affirmé qu'il prendra la situation en main en attendant que les conditions quant à leur recrutement soient bien définies", a conclu M. Bounous. Cette initiative n'est, à vrai dire, qu'une parmi des centaines d'autres qui sont lancées à travers tout le territoire de la wilaya où un formidable élan de solidarité a, comme à chaque urgence, encore une fois, essaimé partout pour venir en aide aux hôpitaux. Une solidarité atavique qui a également fortement impliqué la diaspora qui multiplie les quêtes d'argent pour y contribuer. Toujours à Draâ El-Mizan, les citoyens ont également lancé une collecte d'argent pour l'achat d'un générateur d'oxygène de 4 000 litres au profit de cet hôpital alors qu'une autre cagnotte est mise en ligne en France par la diaspora de la région afin de contribuer à cette initiative. À Ath Mendès, dans la commune de Boghni, c'est le comité de village de l'arch Nath Mendès, qui a décidé, en session extraordinaire, d'équiper la maison de jeunes du village pour la transformer en une clinique dédiée uniquement à la Covid-19 d'autant plus qu'aussi bien l'hôpital Si Ahmed-Youcef que la polyclinique du chef-lieu de daïra sont tellement saturés que parfois les patients sont allongés dans les couloirs et désormais sous des tentes que l'APC d'Aïn Zaouïa a mis à disposition de cet EPH pour en faire un service d'urgence. À Boghni, l'une des régions la plus touchées par cette troisième vague qui fauche des dizaines de personnes par jour, la population a décidé de se prendre en charge. "Devant la situation dramatique qui prévaut à l'hôpital de Boghni, nous avons créé une cellule de crise et avons trouvé la solution d'équiper la maison de jeunes qui, pour débuter, pourra contenir jusqu'à trente lits. Si la situation l'exige, nous utiliserons la salle des fêtes du village et la salle des sports en renfort", nous explique Tahar Baïche, président du comité de village d'Ath Mendes. Il souligne que de nombreux donateurs se sont manifestés pour contribuer à son équipement en lits et surtout en oxygène. En revanche, cette commission de crise fait appel aux infirmiers et aux médecins à la retraite afin de contribuer à la mise en place de cette clinique de fortune. Notre interlocuteur, dit compter sur la collaboration des étudiants en médecine de la région notamment ceux qui sont en quatrième et cinquième années de leur cursus universitaire. "Nous comptons sur la contribution et l'élan de solidarité de nos concitoyens pour venir en aide à l'hôpital qui ne peut plus accueillir de malades", lance M. Baïche. "Hier matin, une équipe de l'hôpital a visité la maison de jeunes et a dressé la liste de tous les moyens que nous devons mettre en place pour l'ouvrir le plus vite possible avec une capacité de vingt-huit lits, l'ouverture d'une loge pour la garde et d'une pharmacie. Nous attendons que cette liste nous parvienne pour mettre en place le dispositif nécessaire pour l'équiper", précise-t-il, non sans rappeler que dans ce groupe de villages qui compte 18 000 habitants, de nombreux jeunes sont mobilisés pour faire respecter les mesures de confinement prises dernièrement par le maire et ses collègues des autres communes de la daïra. "Notre village a payé un lourd tribut. Presque chaque jour, nous enterrons nos morts. L'initiative prise par le comité de village est salvatrice", explique un habitant d'Iaskren. Pour sa part, l'association Tagmats Ali-Zamoum a mis à la disposition de l'hôpital de Boghni tous les moyens dont elle dispose, à savoir ambulances et concentrateurs d'oxygène. À Bounouh où le nombre de morts est conséquent, les jeunes émigrés de cette municipalité résidant en France n'ont pas tardé à répondre à l'appel de détresse lancé par l'aârch Nath Smaïl pour venir en aide à l'hôpital de Boghni et au centre de santé de Bounouh-centre. Aux dernières nouvelles, les habitants des quatre communes de Boghni ont décidé, cette fois, d'employer les gros moyens pour équiper l'EPH en générateurs d'oxygène. À Tizi Gheniff, également, une collecte d'argent est en cours pour aider la polyclinique dans l'achat du matériel nécessaire, tel que les concentrateurs d'oxygène et aussi la distribution de l'eau, du gel hydroalcoolique et des masques aux familles démunies. Les élans de solidarité et d'autres initiatives se multiplient dans plusieurs daïras de la wilaya. C'est le cas de Bouzeguène, où les émigrés des villages Ahrik et Takoucht ont acquis des concentrateurs d'oxygène pour les mettre à la disposition de leurs concitoyens. À Azeffoun, la mobilisation de la population a déjà porté ses fruits puisque, selon des sources locales, un générateur d'oxygène a déjà été acquis au profit de l'EPH et qu'il sera, croit-on savoir, opérationnel dans les prochaines 48h. Des initiatives similaires sont également lancées à Larbâa Nath Irathen et dans toutes les localités de cette wilaya où la population refuse de céder à la fatalité et surtout fait montre d'une farouche détermination à vaincre cette crise qui met désormais à nu les pouvoirs publics qui, une fois de plus, ont montré leur impuissance sinon leurs limites dans la gestion de cette crise. C'est, encore, dans la solidarité citoyenne, cette valeur ancestrale connue et reconnue à cette région, que la population est en train de puiser les ressources et les solutions à même de juguler cette crise sanitaire. "Si seulement les pouvoirs publics pouvaient au moins jouer un rôle de facilitateur...", regrette un habitant. Un appel dans ce sens a été lancé par l'élu à l'APW, Mohamed Achir, lundi dernier au cours de la session dédiée à la situation sanitaire dans la région.