L'Algérie se retrouve malgré elle contrainte à trouver les moyens de convaincre les parties maliennes pour accélérer la mise en œuvre de l'accord de paix signé à Alger et à Bamako en 2015 pour éviter les débordements "sécuritaires" qui commencent à se faire sentir après la décision de la France de retirer ses forces de l'opération Barkane. "L'Algérie joue un rôle crucial dans le processus de paix au Mali. Elle est le chef de file de la médiation internationale et préside la Comité de suivi de l'accord", a indiqué, hier, El-Ghassim Wane, chef de la Minusma, à l'issue de ses entretiens avec le MAE, Ramtane Lamamra. Comme l'avait rappelé la veille le président Tebboune, la solution à la crise sécuritaire et politique au Mali passe par la mise en œuvre de l'accord d'Alger de 2015. "Il est évident qu'il faudra aller encore plus vite", a-t-il affirmé s'agissant de cette mise en œuvre, reconnaissant ainsi les lenteurs souvent imputables aux parties maliennes, même s'il admet, par ailleurs, que "l'application de l'accord d'Alger a enregistré des avancées indéniables". Cependant, la situation a évolué négativement avec l'annonce du retrait des forces françaises de l'opération Barkane qui a vite donné des "ailes" aux groupes terroristes qui ont multiplié les attaques ces dernières semaines. Toutefois, l'hôte d'Alger s'est voulu moins alarmiste, préconisant "un ajustement" sur le terrain des forces de la Minusma pour parer au départ des soldats français. Pour El-Ghassim Wane, "la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali va s'ajuster sur le terrain pour parer au départ de la force française Barkhane". Evidemment, le départ des forces françaises, les seules forces opérationnelles offensives sur le terrain, induit une nouvelle stratégie pour les forces onusiennes (Minusma) appelées à s'adapter à cette nouvelle donne. "Toute modification de l'opération Berkhane a un certain nombre d'implications que nous sommes en train d'étudier et nous allons nous ajuster en conséquence", a-t-il déclaré à l'APS. "Le retrait de Barkhane des zones où elle était présente aura un certain nombre d'impacts qui doivent être étudiés et nous devons prendre des mesures correctives nécessaires", a-t-il ajouté. Alors que la requête formulée auprès de l'ONU pour augmenter les effectifs de la mission, a-t-il révélé, n'a pas encore reçu l'aval du Conseil de sécurité. "Dans un rapport daté du 15 juillet, Antonio Guterres a recommandé d'augmenter la force de paix Minusma d'environ 2 000 casques bleus, afin de mieux couvrir le centre du Mali et avec davantage de mobilité", comme souhaité par les responsables de la mission sur le terrain. Le mois de juin, le président français Emmanuel Macron avait annoncé la réduction des effectifs militaires de l'opération Barkane et la fermeture de certaines bases, notamment au Mali où il s'agit d'un retrait des 5 100 soldats qui y étaient déployés. La sécurisation de vastes territoires du Mali devient ainsi un fardeau pour la Minusma dont la mission n'est pas identique à celle de l'opération française Barkane, ou Serval avant elle. Il est alors préconisé la mise en place d'une force européenne pour remplacer les soldats français, l'opération Takuba, mais qui tarde à prendre forme. Elle devrait inclure également des forces des Etats de la région, alors qu'une force locale, le G5 Sahel, est déjà en place, même si son opérabilité n'est pas encore efficace. Les partenaires européens de la France, qui ont promis de renforcer cette force alternative à Barkane, ne se pressent pas pour l'instant. Beaucoup de pays préfèrent contribuer autrement que par l'envoi de soldats. Plus concrètement, comme l'ont souligné les deux responsables, il s'agit de trouver les moyens de travailler ensemble pour restaurer la paix dans ce pays à travers la mise en œuvre de l'accord de paix qu'il faut mener jusqu'à son terme. Par ailleurs, le chef de la Minusma effectue une visite de travail en Algérie et devrait participer aujourd'hui à une conférence sur le rôle de la Mission onusienne dans la stabilité du Mali et la sécurité de l'espace sahélo-saharien. À une question sur la situation au Mali au lendemain des attaques terroristes de Ouatagouna, au nord du pays, qui ont fait une cinquantaine de morts, le chef de la Minusma a répondu que ces actes terroristes mettent en évidence la nécessite de travailler davantage pour accélérer la mise en œuvre de l'accord d'Alger. La Minusma, qui est actuellement une des missions de paix de l'ONU les plus coûteuses et les plus dangereuses pour ses membres, est autorisée jusqu'a présent à déployer au Mali jusqu'a 13 289 militaires et 1 920 policiers.