Alger a réagi et fermement. Elle a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec la monarchie marocaine avec effet immédiat. Cette décision annoncée, hier, par le chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra intervient après plusieurs actes d'une extrême hostilité de Rabat. Lamamra a, néanmoins, précisé que les affaires consulaires seront maintenues et que cette décision n'affectera nullement les ressortissants établis dans les deux pays. L'Algérie rompt officiellement ses relations avec le Maroc. Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté algérienne à l'étranger, Ramtane Lamamra, a annoncé, hier, que "l'Algérie a décidé officiellement de rompre toutes ses relations avec le Maroc, et ce, à partir d'aujourd'hui". Lors d'une conférence de presse qu'il a animée au Centre international des conventions (CIC), le chef de file de la diplomatie algérienne a expliqué que cette décision est justifiée par les nombreux "actes hostiles et répétés", commis par le Maroc contre l'Algérie et l'intérêt de son peuple. Cette hostilité "assumée" par les plus hautes autorités politiques du royaume chérifien, explique encore Ramtane Lamamra, a connu son paroxysme avec les dernières attaques contre l'Algérie, avec notamment l'implication de ce pays dans le déclenchement des feux de forêt meurtriers qu'a connus le nord du pays depuis le 9 août dernier. "L'implication du Maroc dans ces feux de forêt est totalement prouvée et établie", a affirmé le ministre des Affaires étrangères, précisant que le voisin de l'Ouest a compté, dans cette forfaiture, sur les "deux organisations qu'il soutient et manipule, à savoir le MAK et Rachad", classées, par l'Algérie, depuis mai dernier, comme des organisations terroristes. "Le Maroc a coopéré avec les deux groupes terroristes nommés MAK (Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie) et Rachad dont l'implication a été prouvée dans les crimes odieux liés aux grands incendies qu'a connus un certain nombre de wilayas du pays", a dit Ramtane Lamamra. Ces deux organisations, a-t-il accusé, "sont également derrière l'odieux et inqualifiable assassinat du citoyen Djamel Bensmaïl, le 11 août dernier". Djamel Bensmaïl, rappelle-t-on, a été lynché et brûlé vif à Larbâa Nath Irathen par une foule hystérique, pensant que ce jeune de Miliana était impliqué dans les incendies qui ont ravagé le nord du pays. La liste des griefs retenus contre le Maroc est encore longue. Avant qu'Alger ne prenne la décision de rompre définitivement ses relations diplomatiques avec le voisin marocain, les services de sécurité du royaume, avec la bénédiction des plus hautes autorités politiques marocaines, ont multiplié les attaques contre l'Algérie. Dan s sa déclaration lue, hier, au nom du président de la République Abdelmadjid Tebboune, le ministre des Affaires étrangères a souligné que la rupture des relations bilatérales intervient après plusieurs atteintes commises par le royaume chérifien contre l'Algérie. Une hostilité qui remonte, selon le ministre des Affaires étrangères, à plusieurs décennies. "Le Maroc n'a pas cessé de nourrir son hostilité contre l'Algérie depuis déjà l'indépendance. L'Algérie a toujours privilégié la voix de la sagesse, mais les derniers actes d'une extrême gravité contre l'Algérie et son peuple sont inacceptables", a affirmé Ramtane Lamamra. "Depuis la mi-juillet notamment, le Maroc a redoublé de férocité en s'attaquant de manière soutenue contre l'Algérie", a-t-il dit. Un des derniers épisodes, avant le drame des incendies, c'est à partir du sol marocain que le ministre des Affaires étrangères israélien, Yair Lapid, en visite officielle dans ce pays, a évoqué publiquement l'Algérie comme une "source d'inquiétude". Ramtane Lamamra a déclaré, à ce propos, que "c'est la première fois, depuis 1948, qu'un responsable israélien fait de telles déclarations à l'égard de l'Algérie". Un grave précédent. Parmi les autres actes hostiles marocains, Lamamra a rappelé également le grave dérapage, à la mi-juillet, du représentant permanentent du Maroc auprès des Nations unies, apportant son soutien au prétendu droit à l'autodétermination du "vaillant peuple kabyle". "Un acte extrême", a souligné Ramtane Lamamra. Le texte lu hier par le ministre des Affaires étrangères rappelle, également, l'implication du Maroc dans l'opération d'espionnage Pegasus qui a ciblé l'Algérie. Cette vaste opération d'espionnage, à travers le programme Pegasus, qui a ciblé des milliers de citoyens algériens et de hauts responsables civils et militaires, a été menée par les services de sécurité marocains, "en connaissance des plus hautes autorités politiques du pays", a encore précisé Ramtane Lamamra. Pour le chef de la diplomatie algérienne, ces attaques récurrentes et graves commises par le Maroc "ne visent pas seulement l'Algérie, mais entraînent tout le Maghreb vers des conflits graves", a souligné le ministre des Affaires étrangères. Dans sa déclaration liminaire, Ramtane Lamamra a rappelé que l'Algérie n'a de cesse d'appeler au "bon sens et à l'apaisement", mais, déplore-t-il, le Maroc ne semble pas prêt à cesser sa politique hostile et malveillante. "En tout état de cause, l'Algérie refuse la logique du fait accompli, et pour toutes ces raisons, l'Algérie a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc à partir d'aujourd'hui", a indiqué Lamamra. Il a, par ailleurs, précisé que les services consulaires algériens au Maroc se limiteront à leurs strictes tâches administratives pour la communauté algérienne établie au Maroc et que les Marocains établis en Algérie ne seront nullement affectés par cette décision. S'agissant des dossiers multilatéraux, notamment le cas du gazoduc Maghreb-Europe qui passe par le Maroc, l'Algérie agirait en fonction des situations et au moment opportun.
Karim BENAMAR Chronologie des relations tumultueuses 1963, l'armée marocaine envahit l'Algérie et provoque la guerre des Sables. 7 mars 1976, Rabat rompt ses relations diplomatiques avec l'Algérie après la reconnaissance par Alger de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). 26 février 1983, le roi Hassan II et le président Chadli Bendjedid se retrouvent en tête-à-tête à la frontière. En avril, la libre circulation est rétablie pour les résidents des deux pays. Un accord sur la libre circulation progressive des personnes et des biens ainsi que l'ouverture des lignes aérienne et ferroviaire est signé. 11 juillet 1987, le ministre algérien des Affaires étrangères rencontre Hassan II. 22 novembre, c'est au tour du chef de la diplomatie marocaine de se rendre à Alger. 16 mai 1988, Alger et Rabat annoncent la reprise de leurs relations diplomatiques. 5 juin, leurs frontières respectives sont officiellement rouvertes. 7 juin 1988, Hassan II effectue sa première visite à Alger depuis 15 ans, où il participe à un sommet arabe extraordinaire. Février 1989, la visite du président Bendjedid à Ifrane, la première d'un chef d'Etat algérien au Maroc depuis 1972, scelle la réconciliation. Un accord est conclu pour un projet de gazoduc devant relier l'Algérie à l'Europe, à travers le Maroc. 26 août 1994, le Maroc instaure un visa d'entrée pour les Algériens après l'attaque d'un hôtel de Marrakech où deux touristes espagnols ont été tués par des islamistes franco-maghrébins. Rabat accuse des services de sécurité algériens d'être derrière l'attentat. L'Algérie ferme sa frontière avec le Maroc. 12 décembre 2020, le Maroc rétablit ses relations avec Israël. Juillet 2020, le représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies diffuse un document officiel dans lequel il appelle les pays des non-alignés à "soutenir le peuple kabyle pour son autodétermination". Alger rappelle son ambassadeur à Rabat pour "consultations" et demande des explications au Maroc. Juillet 2020, un vaste scandale d'espionnage opéré par le Maroc ciblant notamment plus de six mille Algériens dont de nombreux hauts responsables politiques et militaires est révélé par un consortium de journaux internationaux. Août 2020, le ministre des Affaires étrangères israélien attaque l'Algérie à partir du Maroc lors d'une conférence de presse et en présence de son homologue marocain Nacer Bourita.