Les ajustements de la valeur du dinar, combinés à une hausse de l'inflation, ont fini par alimenter la psychose des déposants et renforcer la pratique de thésaurisation. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a indiqué, mardi, que le volume des fonds circulant sur le marché parallèle en Algérie s'élèverait à quelque 10 000 milliards de dinars, soit l'équivalent de 90 milliards de dollars. Les pièces de monnaie et les billets de banque en circulation hors canal bancaire n'ont jamais été aussi nombreux en valeur. La demande demeure dynamique, tout comme les retraits qui auraient dépassé les dépôts courant 2020, de l'avis même de la Banque mondiale. Dans son bulletin du printemps 2021, évaluant l'évolution de l'économie algérienne courant 2020, l'institution de Bretton Woods a écrit que "les dépôts bancaires ont diminué entre mai et octobre 2020 parallèlement à la baisse des dépôts liés aux revenus pétroliers de Sonatrach. Cette situation a été aggravée par le retrait des fonds d'épargne effectués par les déposants d'Algérie Poste, ainsi que par le prélèvement par le Trésor des liquidités des entreprises publiques afin de financer le déficit budgétaire global". L'estimation avancée par le chef de l'Etat, à l'occasion d'un discours prononcé à l'ouverture des travaux de l'assemblée générale du Cnese, lève le voile sur une tendance ascendante à caractère persistant de la valeur des billets et des pièces en circulation hors banques . Il s'agit de l'estimation "la plus fiable" des quantités de monnaie en circulation hors canal bancaire, reposant, probablement, sur "un travail de consolidation des chiffres existants", estime Chabane Assad, fondateur du cabinet de conseil financier Finabi. Selon lui, les opérations d'émission de monnaie et l'évolution de la consommation des ménages ont, en partie, contribué à la croissance de la circulation fiduciaire. Pour étayer ses propos, Chabane Assad se réfère à une étude publiée par Ecotechnics en 2020, suggérant que les revenus bruts des ménages ont totalisé 12 244 milliards de dinars en 2018, alors que la consommation des ménages s'est élevée à 8 442 milliards de dinars durant le même exercice, accaparant ainsi 71,3% de leur revenu disponible brut, ce qui correspond à 42% du PIB. Notre interlocuteur fait constater que le circuit de distribution des produits alimentaires et consommables est composé à 97% de commerces de détail, ce qui signifie que "l'argent transitant dans ce circuit ne revient pas dans le canal bancaire, contrairement à la grande distribution". C'est-à-dire que l'usage transactionnel des pièces et des billets en période de hausse de la demande et de la consommation des ménages ne profite que marginalement au circuit formel. Il est vrai que l'usage excessif du cash dans les transactions peut expliquer la hausse de la valeur des pièces et billets hors canal bancaire, mais il ne saurait justifier la croissance fulgurante de la valeur de la circulation fiduciaire. Cela peut s'expliquer aussi par l'absence d'alternative au cash comme moyen de paiement. Les modes de paiement n'ont pas évolué d'un iota. Il va sans dire que la hausse des retraits en période de baisse des dépôts et de la liquidité bancaire pose, qu'on le veuille ou pas, une question de confiance quant à la solidité du secteur bancaire et du pouvoir d'achat de la monnaie nationale. Les multiples ajustements de la valeur du dinar ces dernières années, combinés à une hausse de l'inflation, ont fini par alimenter la psychose des déposants et renforcer la pratique de thésaurisation. Quoi qu'il en soit, la hausse de la valeur des pièces et billets en circulation hors banques pose un sérieux problème quant à la gestion macroéconomique, car alimentant les anticipations inflationnistes, et affaiblit la courroie de transmission de la politique monétaire. Ce pourquoi, le chef de l'Etat n'a pas manqué d'appeler le Conseil national économique, social et environnemental (Cnese) à contribuer à la résolution de "ce problème". Partant de ce constat, l'Algérie "ne procédera pas à l'endettement extérieur... et en cas de besoin, elle recourra à l'endettement intérieur, en ce sens que des sommes faramineuses sont cachées, et il est temps de faire sortir cet argent pour financer l'économie", a indiqué le président Tebboune. Pour le fondateur de Finabi, la structure du marché de distribution favorise le cash, "un argent qui ne revient pas dans les banques", d'où la nécessité, selon lui, de soutenir la grande distribution. Il suggère sur sa lancée de redoubler d'efforts afin d'étoffer le réseau bancaire et d'améliorer le service, étant donné la faible bancarisation de l'économie, de créer une banque postale dans le but d'atteindre les normes internationales en matière de bancarisation.