Après trois reports successifs, le pôle spécialisé du tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, a ouvert hier le procès de l'ancienne ministre des Technologies de l'Information et de la Communication, Houda Faraoun. Après trois reports successifs, le pôle spécialisé du tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, a ouvert hier le procès de l'ancienne ministre des Technologies de l'Information et de la Communication, Houda Faraoun. L'ex-ministre est accusée d'"infraction à la réglementation des marchés publics, de corruption, de dilapidation de deniers publics, d'octroi d'indus privilèges et d'abus de fonction" dans une affaire liée à l'octroi d'un marché de réalisation d'un réseau de fibre optique. L'affaire remonte à juin 2016. Les autorités voulaient équiper le pays en fibre optique pour permettre aux citoyens de disposer de l'Internet haut et très haut débit. Algérie Télécom s'était chargée de la concrétisation du projet. Mais au lieu de la procédure habituelle utilisée par les compagnies publiques qui recourent aux avis d'appel d'offres internationaux, l'entreprise publique avait procédé par un contrat "de gré à gré" avec les deux sociétés chinoises, Huawei et ZTE. Pour faire toute la lumière sur l'affaire, le juge interroge en premier le président-directeur général de l'époque, Tayeb Kebbal, qui a comparu libre. Ce dernier, venu avec une pile de documents, a justifié le recours au gré à gré par "le lien technologique et l'intérêt économique" qu'offraient ces deux sociétés chinoises. Il nie toute intervention politique dans ce dossier et exhibe un article du Code des marchés publics qui lui a permis de conclure un marché sans passer par l'avis d'appel d'offres international. Face au juge qui lui demandait pourquoi ne pas avoir lancé des offres en direction d'autres entreprises, celui qui a géré Algérie Télécom de 2016 à avril 2017 a révélé avoir contacté les responsables de Ericsson. Mais "ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient satisfaire nos exigences". De toute façon, "Huawei et ZTE étaient des leaders mondiaux dans le domaine", a-t-il expliqué. Très attendu, le témoignage d'Imane-Houda Faraoun n'a pas dissipé les zones d'ombre qui entourent le dossier. D'apparence sereine et très calme malgré un an de prison, impeccablement habillée, l'ancienne ministre a nié avoir interféré dans la gestion de la société publique. "En tant que ministre, je me contentais d'exprimer des orientations générales comme par exemple la nécessité de relier les zones industrielles et les zones enclavées à la fibre optique. J'insistais aussi sur la nécessité du transfert de la technologie et de préserver les finances publiques à travers des négociations sur des prix abordables", a-t-elle détaillé. Le juge lui rappelle qu'elle avait reçu les dirigeants des deux entreprises chinoises. "Oui, c'est une pratique normale. En tant que ministre, je recevais des responsables de n'importe quelle société partenaire. Mais je ne m'immisçais pas dans le choix des partenaires des entreprises publiques", a-t-elle encore ajouté. Pour se défendre de l'accusation de dilapidation de deniers publics, elle a rappelé que durant sa présence à la tête du ministère des TIC, elle avait augmenté sensiblement les chiffres d'affaires des entreprises de son secteur. Si elle a nié toute ingérence dans le choix des deux partenaires d'Algérie Télécom, Imane-Houda Faraoun a refusé de répondre à une question d'un avocat de la partie civile représentée par le Trésor public qui a sorti un document dans lequel le Premier ministre de l'époque, Abdelmalek Sellal lui demandait clairement d'user de son pouvoir de présidente de l'Assemblée générale des actionnaires d'Algérie Télécom pour "instruire le P-DG de la société de mettre en application le plan". "Je ne réponds pas à la place des autres", a-t-elle simplement dit au juge qui a considéré cette lettre comme une preuve de l'ingérence politique dans ce dossier. Une question qui reste sans réponse dans cette affaire est liée à la problématique des prix pratiqués par les deux firmes chinoises. Ni le P-DG d'Algérie Télécom de l'époque ni l'ancienne ministre n'ont répondu aux multiples questions du juge portant sur le sujet. "C'est le directeur des achats qui a cette information", a argué Tayeb Kebbal. "Même si on me donnait les prix, je ne pouvais savoir s'ils étaient bons ou pas puisque je ne connaissais rien au sujet", s'est défendue, pour sa part, Houda Faraoun. Seul Darrani, le président de la commission des négociations, a avoué que les prix proposés par les entreprises chinoises étaient élevés par rapport aux autres concurrents. Mais, il a justifié cela par la rapidité du débit qui était "5 fois supérieur" à celle des autres entreprises internationales exerçant dans le domaine. Les expertises réalisées sur le sujet ont conclu que les prix étaient élevés pour un projet qui devait coûter 73 millions de dollars en achat d'équipements et 26 milliards de dinars pour la réalisation du projet qui devait être livré en 2018. À ce jour, le programme n'est toujours pas finalisé et le procès n'a pas donné d'explication à cela. Le procès se poursuit aujourd'hui avec le réquisitoire du procureur de la République.