Un jour, dit la légende amérindienne, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s'activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : "Colibri ! Tu n'es pas fou ? Ce n'est pas avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu !" Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais je fais ma part." La légende était racontée par Pierre Rabhi qui s'est éteint samedi soir, à 83 ans. Lui, comme ce colibri, oiseau minuscule mais non moins fascinant, aura, sans l'ombre d'un doute, "fait sa part" de son vivant. De ces hommes ayant consacré leur vie à œuvrer pour un monde en équilibre avec l'environnement, respectueux de la nature, Pierre Rabhi, inlassable humaniste, est devenu une référence mondiale dans ce combat pour la préservation de la terre nourricière, au moment où les bouleversements climatiques, avec l'indulgente main de l'homme, menacent sérieusement notre écosystème. Toute sa vie durant, il aura été, peut-on dire, la voix sage de la planète bleue. Enfant prodige du désert algérien, de Kenadsa à Béchar, ce paysan, pionnier de l'agroécologie, écrivain, agriculteur, a marqué son temps d'une empreinte "verte" indélébile. Son père, forgeron, musicien et poète, le confie à l'âge de 5 ans à un couple de Français, un ingénieur et une institutrice venus travailler dans les houillères du Sud oranais dans son village natal. Avec ses parents d'adoption, le jeune Rabah quitte Kenadsa pour Oran, où il y suit deux années d'études secondaires. À l'âge de 16 ou 17 ans, selon des sources, à Oran, Rabhi se convertit au christianisme. En 1960, il émigre en France, en Ardèche, pour s'y installer définitivement. À partir de là, Pierre Rabhi se consacrera corps et âme à la terre, et c'est au contact de la terre qu'il forgera un rapport apaisé et sain avec l'environnement. Après avoir acquis un immense savoir agroécologique, il lança, en France et dans plusieurs régions du monde, en Afrique sahélienne et au Maghreb notamment, de nombreuses initiatives pour contribuer à l'autonomie et à la sécurité alimentaires des populations. Sa vie durant, il a ainsi soutenu le développement de l'agroécologie à travers le monde, participant à la formation de milliers de paysans aux pratiques agricoles écologiques (centre de Gorom-Gorom au Burkina Faso, au Niger, au Togo, au Bénin, au Maroc, en Tunisie, en Palestine ou en Mauritanie). Auteur d'une vingtaine d'ouvrages et de plusieurs dizaines de préfaces, il rencontre une vaste audience avec notamment son ouvrage Vers la Sobriété heureuse, où il prône la sobriété et le vivre en harmonie avec la nature. Pour des centaines de milliers de personnes, ce livre a été le début d'un chemin et un véritable éveil.