Le 11e festival international du cinéma tout écran, qui s'est tenu à Genève du 2 au 6 novembre, vient de baisser le rideau pour laisser place à la réflexion sur les options de l'avenir. Cette réflexion devient nécessaire et importante quand on sait que ce festival se retrouve aujourd'hui à la croisée des chemins : entre l'écran de télévision et l'écran de cinéma, d'une part, et entre le cinéma du Nord et celui du Sud, d'autre part. Cinéma tout écran, qui défend l'effacement des frontières entre l'écran de télévision et celui du cinéma, s'affirme parmi les festivals suisses les plus médiatisés en France. Cela n'est ni la résultante de l'originalité du concept que beaucoup de voix critiquent, ni d'une programmation pointue. Cela est surtout le fruit d'une brillante stratégie d'alliances et de partenariat avec les médias les plus importants en France et en Suisse. Nonobstant, même si la programmation n'a pas laissé beaucoup de place au cinéma du Sud, notamment ceux en provenance des pays arabes, il n'en demeure pas moins que cette 11e édition s'est appuyée sur des points forts faisant échos à la brûlante actualité, qui lui ont assuré un succès aussi bien public que médiatique. Parmi ces points forts figure une série de films politiques qui a été étayée par un colloque international sur “Le film politique aujourd'hui”, en collaboration avec la Fipresci. On aurait aimé voir des films comme The Big Game et L'Attente, encore pas vus en Suisse, respectivement, de l'Algérien Malek Bensmaïl et du Palestinien Rachid Mechraoui, qui se défendent et illustrent bien cette thématique. Mais les organisateurs ont plus voulu illustrer cette thématique par des films israéliens et anglais. Par ailleurs, c'est surtout la scène politique anglaise qui a servi de support aux conférenciers du colloque. Deux films qui se complètent. Le premier, The Deal, de Stephen Frears, aborde l'ascension fulgurante de Tony Blair au sein des Travaillistes anglais, le deuxième, L'affaire David Kelly, le prix de la vérité du Britannique Peter Kosminsky. Ce dernier revient sur le suicide de David Kelly, expert en armes de destruction massive, accusé d'avoir révélé des informations à des journalistes de la BBC mettant en cause le gouvernement dans sa politique en faveur de la guerre en Irak, en 2003. Les deux films s'inscrivant entre le documentaire analytique et la fiction libre sont réalisés dans la grande tradition du cinéma réaliste britannique et dénoncent les dérives politiques. Au cours du colloque, même si le flou a été entretenu sur la définition du film politique durant toute la matinée, les conférenciers ont plutôt abordé l'histoire des rapports entre le politique et le cinéma, et ce, depuis les frères Lumière jusqu'à Mike Moore en passant par Chaplin, Renoir et Costa Gavras. La non-maîtrise du sujet a sans doute fait du colloque plus une causerie qu'une analyse précise du sujet proposé. A contrario, l'après-midi, consacré aux témoignages, a été plus intéressant. Parmi les plus importants intervenants figure Amos Gitai, cinéaste israélien, qui a vu son film Free Zone projeté. Ce dernier est revenu surtout sur deux points : le poids du contexte socio-politique qui pèse sur lui et ses rapports avec les cinéastes palestiniens. S'agissant du premier, il relève que ces films dérangent l'establishment politique qui veut donner une vision angélique de la société israélienne et en même temps, il arrive toujours à avoir des financements de part son succès international. En parlant des objectifs de son cinéma, il précise qu'il veut casser les murs à la fois physiques et mentaux. Concernant ses rapports avec les cinéastes palestiniens, il révèle ses relations amicales et de lutte commune pour un cinéma autonome. “C'est une erreur de séparer le cinéma palestinien du cinéma israélien”, lance-t-il à l'auditoire. Il ajoute qu'il y a un cinéma commun dans la mesure où ces cinéastes entretiennent des rapports amicaux et professionnels intenses. “Personnellement, je travaille avec Elie Soleiman, Rachid Mechraoui et Hany Abou Assad…”, avoue-t-il, avant de conclure : “Nous travaillons avec les mêmes techniciens et les mêmes acteurs. Hiam Abbas a aussi bien joué dans Free Zone que dans Paradise Now de Hany Abou Assad.” T . H.