Contacté par nos soins, le sociologue Nacer Djabi s'est exprimé sur la situation en estimant que tous les pays d'Europe doivent trouver une solution urgente à l'intégration des immigrés dans la société avant que la violence ne se propage davantage. L'Expression: Ces violences témoignent de l´échec depuis 25 ans des différentes politiques de la ville et de l´intégration dans des banlieues pauvres, jugent des sociologues. Est-ce que vous partagez cet avis? M.Nacer Djabi: Ce n'est pas seulement l'échec de la politique française mais plutôt l'échec de la politique de toute l'Europe Ce qui se passe actuellement en France n'est qu'un échantillon de ce que pourraient faire les communautés en cas de répression et de racisme. Plusieurs questions se posent d'elles-mêmes, est-ce que l'Europe en général veut rester dans un petit cercle de riches ou de chrétiens. On est devant une évolution de la mondialisation. Peut-elle prendre en charge tous les aspects de la mondialisation sachant que l'intégration des immigrés est l'une des conditions? Une chose est sûre, c'est qu'un Algérien qui a un père et un grand-père qui ont fait la guerre et qui ont participé à la construction de la France et qui se retrouve marginalisé ou exclu de la société, recourra éventuellement à la violence pour avoir ces droits en tant que citoyen français. Le gouvernement français a autorisé mardi l´instauration d´un couvre-feu dans les zones qui le nécessitent pour enrayer les émeutes. Pensez-vous que les choses vont se calmer ou plutôt le contraire ? - Instaurer le couvre-feu n'est pas une solution pour calmer les esprits des jeunes révoltés qui ont en commun leur refus du modèle social français. C'est plutôt le retour vers l'exclusion et les lois répressives des années 50. Même si ça se calme, et ça sera pour un moment, le problème sera toujours posé d'une manière encore plus brutale. Actuellement, la France est dans une phase de désintégration marquée à la fois par le rejet des groupes minoritaires et par le repli communautaire. Il n´est donc pas étonnant que ces jeunes de banlieue agissent négativement par l´émeute. Le Premier ministre français, Dominique de Villepin, a reconnu les manquements de la politique de la droite en matière de politique de la ville, quel commentaire faites-vous à ce sujet? - La violence est un phénomène qui se développe dans la lutte sociale. Pour le cas de la France, je crois qu'il ne suffit pas de reconnaître les manquements d'une telle ou telle politique. Il est urgent d'intégrer les immigrés par une politique conséquente qui concerne les domaines de l'emploi, de l'éducation et de reconnaître les valeurs humaines. La France comme d'autres pays de l'Europe, doit trouver une autre vision pour construire un Etat consistant. Le Premier ministre a promis également, lundi soir, de rétablir les subventions aux associations qui sont en contact de la vie quotidienne, supprimées ces dernières années. Est-ce que cette solution pourrait atténuer la rage des émeutiers? - Je pense que c'est ce qui peut reproduire le phénomène de ségrégation et de ghettos. Donner de l'argent à une association africaine ou maghrébine n'est pas la solution idéale. Il faut accepter, avant tout, d'intégrer les gens, avec leurs valeurs, leur religion et leur couleur de peau. Les émeutes inquiètent les pays voisins de la France à forte population immigrée. Y a t-il possibilité de contagion? - Oui, du moment que plusieurs pays enregistrent des actes de violence pas de la même ampleur que celle vécue actuellement en France sachant que l'origine de ces émeutes est l'exclusion. Il faut souligner aussi que des incidents pareils ont été enregistrés auparavant. Donc la révolte ne date pas d'aujourd'hui. Pour la France, ça va être difficile pour l'extrême droite d'aller vers le durcissement afin de maîtriser la situation.