Le village de Maouia est juché sur le bout d'un piton au bout d'une route dont le goudron date d'un peu trop longtemps et qui relie le tout au chemin de wilaya menant de Mekla à Aïn El Hammam. Les jeunes du village ne veulent pas de cet isolement. Ils s'évertuent à sortir de l'ornière, à reprendre vie et à faire bouger les choses qui semblent figées dans le temps. Les adultes ne se lassent pas de raconter leurs souvenirs, de rappeler que sans la délation et l'intervention de l'armée coloniale leur village aurait tenu la promesse de servir de lieu de rencontres aux organisateurs du congrès qui s'est tenu finalement à Ifri, dans la vallée de la Soummam. La date du 22 mars 1957 demeure le symbole de la résistance des habitants de Maouia, qui ont payé un lourd tribut. Les noms sont là, sur la stèle qui accueille les visiteurs et leur ouvre les bras de la fraternité ancestrale. Mais vivre de ses souvenirs ne fait pas changer le cours de l'histoire et le congrès a bien eu lieu, mais ailleurs, à Ifri. Le principal est qu'il ait pu se tenir, le lieu importe peu devant les objectifs primordiaux de la Révolution. À chaque date-souvenir, les villageois ne manquent pas de venir se recueillir devant la stèle imposante qui accueille les visiteurs à l'entrée du village. Aujourd'hui, à travers l'association Tadukli Imesdourar, créée en avril 2005, et agréée sous le n°061, les jeunes relancent les activités ancestrales dans pratiquement tous les domaines. Que ce soit en broderie berbère, en confection de robes kabyles, en peinture sur soie, en sculpture sur cuivre ou en travail de l'osier, réussissant des paniers et des pots de différentes formes et rappelant les dames-jeannes dont le souvenir s'est perdu dans les mémoires, tout est pris en considération et des modèles sont exposés à tous les regards dans une salle de classe aux murs défraîchis, au plafond suspendu aux aléas des infiltrations. Ces jeunes gardent l'espoir que leurs efforts seront soutenus, non seulement par les membres du comité de village qui a toujours été à leurs côtés, mais aussi par les autorités locales qui, en apportant leur contribution, permettront de “fixer” dans un bureau ces actifs qui se refusent à l'oisiveté. Il serait peut-être temps de penser à revisiter l'histoire et à faire ressurgir des mémoires individuelles ce qui revient de droit à la mémoire collective et nationale et faire en sorte que le sacrifice des aînés puisse soutenir le courage et les bonnes volontés des générations présentes et futures. Saïd MECHERRI