Conséquence de la faiblesse de l'investissement productif, public et privé, puis du désinvestissement que la région a enregistré durant ces deux dernières décennies, le chômage a connu une explosion sans précédent à Tizi Ouzou. "Nous venons d'atteindre au 2 février courant, le chiffre exact de 28 632 demandeurs de l'allocation chômage et ce chiffre évolue continuellement", nous a répondu Aouci Mustapha, directeur de l'emploi de Tizi Ouzou que nous avons interrogé à ce sujet. Selon ce même responsable, "cette allocation concerne les personnes âgées de 19 à 40 ans toutes catégories confondues, mais n'en seront bénéficiaires que celles inscrites à l'Anem depuis au moins six mois", a-t-il précisé, soulignant au passage que les rémunérations à attribuer aux postulants ne sont pas encore fixées. "Nous attendons un texte de loi qui expliquera et réglementera le seuil des rémunérations et les modalités d'application et de suivi. Il s'agira aussi de la formation, du recyclage et de l'accompagnement des bénéficiaires en fonction des besoins du marché du travail", a-t-il soutenu. Au-delà de la question des rémunérations, ce nombre d'inscrits à l'allocation chômage est on ne peut mieux révélateur de cette amère réalité socioéconomique qui n'épargne ni les diplômés que l'université de Tizi Ouzou met, chaque année, sur le marché du travail, ni ceux de la formation professionnelle, ni encore les sans diplômes, issus de la déperdition scolaire. Autrement dit, ce nombre ne constitue, sans nul doute, que la partie visible de l'iceberg. Le chiffre aurait pu être beaucoup plus important n'était, entre autres phénomènes, la grande saignée des diplômés vers l'étranger et les nombreux jeunes qui, de guerre lasse de se placer sur le marché du travail, ont basculé dans des activités informelles. Faute de statistiques et d'études permettant de mesurer l'ampleur de la situation, il est évident que cette situation socioéconomique ne peut être cernée et mesurée dans sa globalité et surtout dans toute sa gravité. Une chose est, toutefois, certaine, c'est qu'elle constitue l'un des éléments qui nourrissent en profondeur les tensions sociales et même politiques qui agitent épisodiquement cette région. En effet, outre le nombre d'investissements économiques publics pouvant absorber le chômage de masse que l'on peut compter sur les doigts d'une main, la région souffre d'un problème de foncier et de bureaucratie qui a empêché toute émergence d'un secteur économique privé capable d'atténuer la forte demande d'emploi exprimée dans cette région. Pis encore, elle n'a que très peu bénéficié des différents programmes de relance économique lancés sous Bouteflika. Résultat des courses : cette wilaya, où le sentiment d'exclusion et de colère a été constamment nourri, a fini par se transformer en une véritable poudrière. En dépit des efforts consentis ces deux dernières années pour booster l'investissement privé dans la région, les chiffres concernant les demandeurs d'emploi, et donc du chômage, demeurent encore assez inquiétants. En effet, rien que durant l'exercice 2021, le nombre de demandeurs d'emploi toutes catégories confondues, arrêté au 31 décembre 2021 au niveau de l'Anem est, selon les chiffres fournis par M. Aouci, de 41 302 demandeurs dont 28 632 actuellement sont des primo demandeurs, c'est-à-dire des gens qui n'ont jamais travaillé et qui n'ont aucune affiliation. Selon le même responsable, à travers tout le territoire de la wilaya, c'est naturellement l'Agence locale de l'emploi du chef-lieu de wilaya qui arrive en tête du classement quant aux demandes avec 6 086 demandes enregistrées. Cette dernière est suivie par Draâ El-Mizan et Azazga avec respectivement 4 455 et 4 029 demandes. Concernant l'offre d'emploi, durant la même année 2021, M. Aouci a dévoilé que 14 887 offres d'emploi ont été enregistrées dont 13 720 émanaient du secteur économique privé. Au total, 13 031 placements classiques ont été effectués dont 11 712 dans le secteur privé. "Les placements dans les microentreprises sont également importants puisque dans l'activité Anade (ex-Ansej), 200 dossiers ont été financés et ont généré 479 emplois. La Cnac a financé 189 projets pour la création de 402 postes de travail et l'Angem 749 pour 1 242 emplois. Dans le cadre du CTA, (contrat de travail aidé), 88 placements ont été faits et dans la Fonction publique, nous avons placé 832 fonctionnaires. Au total ce sont donc 16 074 emplois qui ont été créés durant l'exercice écoulé", a-t-il détaillé. S'agissant du programme d'intégration et de permanisation lancé depuis l'année 2019 à l'effet d'absorber l'emploi précaire, le directeur de l'emploi de Tizi Ouzou a précisé qu'il a atteint 75%. Au total ce sont 3 527 sur les 4 721 employés travaillant dans le cadre des différents dispositifs d'emploi précaire qui sont régularisés.