Selon les experts, la consommation de substances illicites “n'est pas l'apanage des classes socioéconomiques défavorisées”. Une quinzaine de communications ont été au menu d'un congrès organisé jeudi, à l'établissement hospitalier spécialisé en psychiatrie (EHS) de Oued Aïssi, près de Tizi Ouzou sur le thème de la toxicomanie. La rencontre, organisée sous le haut patronage du ministère de la Santé, a drainé la participation d'éminents psychologues et psychiatres venus de France ainsi que de différentes régions d'Algérie, dont le Dr Boudarène, les professeurs Ridouh, Semaoune et Melbouci. La journée a été marquée par la qualité et le haut niveau scientifique des communications. C'est le Dr Ziri, maître-assistant en exercice à l'EHS de Oued Aïssi qui a ouvert les débats avec son intervention portant sur “les conduites addictives”, un concept qu'il s'est d'abord employé à clarifier, avant de se pencher sur “la personnalité du toxicomane” puis sur les facteurs incitant aux “conduites addictionnelles” qui se présentent, selon lui, en deux catégories : les facteurs sociologiques et les facteurs neurobiologiques. Le Dr Ziri fait savoir, à ce titre, que la consommation de substances illicites “n'est pas l'apanage des classes socioéconomiques défavorisées”. Il note, cependant, que des phénomènes sociaux tels que le chômage, la pauvreté, les conditions de vie précaires, la promiscuité, l'exode rural et la délinquance “facilitent l'émergence d'un marché illicite des drogues”. L'hôpital central de l'armée (HCA, Aïn Naâdja, Alger) a participé à ce congrès avec deux communications fortement saluées par l'assistance pour leur pertinence et leur niveau. œuvres du professeur Semaoune qui les a présentées avec brio, du Dr Arfi, du Dr Merabet, du Dr Kebbour et du Dr Mammeri, elles ont eu pour thèmes : “Cannabis et schizophrénie : une comorbidité aux limbes de notre connaissance” et “les aspects préventifs de la toxicomanie”. La communication de M. Salah Abdenouri, directeur général par intérim de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, n'est pas faite pour démentir les thèses du Dr Ziri. Lors de son exposé de “la politique nationale de lutte contre la drogue”, M. Abdenouri, tout en mettant en évidence une “interconnexion entre la drogue et les autres formes de criminalité”, a indiqué que le marché mondial de la drogue, qui s'élève à 500 milliards de dollars, se place en seconde position après le marché des armes et bien avant le marché des hydrocarbures. Le responsable de l'office a, par ailleurs, dressé un état des lieux, certainement non exhaustif, et pourtant très inquiétant en Algérie : “La place du cannabis est prépondérante en Algérie comme ailleurs, une augmentation de plus de 100% entre 2002 et 2004 est constatée.” Il y a aujourd'hui en Algérie, selon M. Abdenouri, “des prémices d'une évolution dangereuse” pour l'avenir, “danger réel, péril en la demeure”. Le Pr Ridouh, interrogé à l'issue du congrès, estime que la législation algérienne a été améliorée depuis la loi 18-04 du 25 décembre 2004 qui, rendue “conforme” aux lois internationales, “tient compte des nouvelles exigences (…), distingue entre la victime et le criminel et donne au magistrat la possibilité d'ordonner une injonction thérapeutique”. Interrogé à son tour, le Dr Mahmoud Boudarène a jugé les communications présentées “très intéressantes”. Il estime que “des aspects hautement scientifiques ont été abordés” et que cela était utile d'autant que beaucoup parmi l'assistance “ignoraient certains de ces aspects, notamment ceux liés à la neurobiologie”. Selon lui, “il était temps de faire comprendre aux gens que le toxicomane agit malgré lui, car c'est sa biologie, sa neurobiologie, donc l'organisation de son cerveau qui l'amène à consommer de la drogue”. Le Dr Boudarène a tenu également à relever l'intérêt des communications des spécialistes français. “Ils sont confrontés à des drogues plus graves et, comme le monde est aujourd'hui un petit village, nous y serons nous-mêmes confrontés, et leur expérience est d'autant plus intéressante”, explique-t-il en citant l'exemple du cannabis dont la consommation a été dépénalisée dans certains pays d'Europe qui se rendent comptent aujourd'hui que “cette substance est porteuse de risques graves sur la santé”. Mahmoud Boudarène regrette néanmoins qu'une communication sur “les violences sociales subies par les jeunes notamment” n'ait pas été programmée. “On ne peut pas extraire le toxicomane de son environnement”, dit-il, “et dans cet environnement, il y a cette violence sociale que le jeune subit sous forme de chômage de promiscuité, d'absence de loisirs, de carence en matière de culture (…) et qui l'amène à vouloir apaiser son angoisse et son anxiété en s'adonnant à des substances toxicomanogènes”. Ces aspects interpellent, selon lui, les pouvoirs publics. S. C.