La question a le mérite d'être posée, tant la deuxième ville du pays semble rayonner depuis deux, voire trois ans sur la scène culturelle à travers non seulement les réalisations physiques liées à ce secteur, mais également par le truchement de projets artistiques de qualité. Pour le dramaturge Mourad Senouci, directeur du Théâtre régional d'Oran (TRO), c'est une interrogation qui revient souvent ces derniers temps, témoin du renouveau artistique d'Oran : "C'est magnifique de voir, pour une fois, Oran associée à la culture." Même s'il n'aime pas les comparaisons, en soulignant ne pas posséder "les données pour le faire", il indique que son souhait "est que la dynamique culturelle à Oran soit étudiée et partagée". Une dynamique qui trouve son épicentre au niveau du TRO, selon plusieurs avis spécialisés, qui est entré dans une nouvelle dimension. À ce sujet, l'homme de culture explique que "tout a commencé lorsqu'on a décidé de diversifier nos programmes". Une conviction personnelle qui part du postulat que le TRO n'a pas un public mais doit avoir des publics après avoir constaté que d'autres lieux culturels dans la ville possédaient leurs propres publics. "J'ai gardé la vocation première du TRO à 70, 80% et décidé de diversifier le reste des programmes entre différentes inclinaisons artistiques (musique, danse, rencontres littéraires...)", ajoute-t-il. Un choix qui a ramené un autre genre de public qu'"on ne connaissait pas tout en préservant le public originel", mais qui a obligé les organisateurs à élever leur niveau d'exigence pour attirer un public émergent "qui paye sa place". Mourad Senouci considère que "l'attente culturelle existe à Oran, au contraire de l'offre", une lacune comblée en partie par l'émergence du secteur privé qui a commencé à investir dans la culture. "L'initiative privée est liée à l'histoire de la ville portée vers la culture. On a eu de la chance d'avoir des gens qui ont investi dans ce créneau, que ce soit le théâtre La Fourmi ou le centre d'arts d'El-Yasmine, des investissements 100% privés qui font parler d'eux". Pourtant, cette offre culturelle doit fonctionner en réseau, estime l'homme de théâtre. "C'est ce que nous sommes en train de faire. Il y a un véritable réseau culturel qui s'installe à Oran et qui donne de la force à cette offre", affirme-t-il. Optimiste, il promet que "le meilleur est à venir à travers des investissements d'ordre privé, dont le premier bénéficiaire restera le public oranais", mais aussi à travers un échange et un partenariat public-public et public-privé avec un esprit gagnant-gagnant. "La culture de qualité et d'excellence doit prévaloir dans ces partenariats. Il existe des gens qui ont compris que pour servir la culture il faut des moyens, et pour avoir les moyens il faut s'entraider. Il faut de l'engagement", professe-t-il, en prenant exemple sur la publication des textes d'Ould Abderrahamane Kaki en partenariat financier avec une association de Mostaganem. Pour Samir Zemmouri, formateur et metteur en scène, il y a un net regain d'activité cultuel à Oran par le biais du travail de La Fourmi et d'El-Yasmine. "Auparavant, Oran avait un lien occasionnel avec la culture, mais le privé a ramené de la qualité dans les spectacles, ainsi qu'un public sélectif", selon lui. Si la capitale de l'Ouest connaît un nouveau souffle par rapport à Alger, c'est surtout après le retrait de l'ONCI et de l'EPAC qui constituaient une véritable vitrine de la culture en Algérie. À ce titre, il reconnaît que "des artistes d'Alger l'ont sollicité à la recherche d'une visibilité à Oran", une anecdote qui en dit long sur l'inversion des rapports de force. Une vérité qui n'est pas si évidente pour autant dans l'analyse de Belmekki Mourad, artiste peintre, qui est catégorique quant à la place qu'occupe Alger sur ce plan. "Impossible de détrôner Alger de son piédestal à cause de ses infrastructures institutionnels et des espaces culturels privés", explique-t-il, tout en mettant en exergue l'absence de médiatisation des événements culturels à Oran qui "est obligée de se préparer".