Par : BRAHIM KAS CHERCHEUR EN RELATIONS INTERNATIONALES Avec un peu de volontarisme, la dernière brouille entre Paris et Alger, énième épisode de la relation mouvementée entre les deux pays, pourrait bien trouver son épilogue lors des Jeux méditerranéens. Le stade est devenu une arène diplomatique où les "grands" de ce monde prennent aisément langue dans une atmosphère plaisante. Le Qatar, pays au territoire à la démographie modeste, a su devenir incontournable sur la scène internationale et médiatique grâce à sa politique d'accueil de grands événements sportifs. Depuis les années 2000, le sport est de plus en plus présent dans l'agenda politique des pays du Golfe (CCG). Qu'en est-il de l'Algérie, championne de la Coupe arabe de football 2022 à Doha ? L'Algérie accueillera en juin prochain les Jeux méditerranéens 2022, événement sportif que l'on pourrait qualifier de "mini Jeux olympiques", réunissant 25 pays du pourtour méditerranéen, dont la France. Le Comité international des Jeux méditerranéens (CIJM) a choisi la ville d'Oran pour cette 19e édition. Il aura donc fallu presque un demi-siècle pour que cette grande compétition sportive revienne sur le sol algérien après l'édition d'Alger, en 1975. Alger saura-t-elle s'inspirer du modèle qatari et user d'une diplomatie du sport dans le règlement de ses différends ? Outil de diversification économique, le sport apparaît également comme un instrument fondamental pour relever les défis sociopolitiques. Instrument majeur du soft power, il se révèle un maillon fort de l'image de marque internationale d'un pays. Le stade devient un espace d'influence dans lequel les états échangent avec les décideurs du monde entier. Avec un peu de volontarisme, la dernière brouille entre Paris et Alger, énième épisode de la relation mouvementée entre les deux pays, pourrait bien trouver son épilogue lors des Jeux méditerranéens. Une invitation du président Tebboune au président nouvellement élu... ou réélu, à la cérémonie d'ouverture des Jeux serait une affiche éclatante pour une relation franco-algérienne allant vers l'apaisement souhaité à Paris. Celle-ci avait connu un refroidissement suite aux déclarations d'Emmanuel Macron sur la profondeur historique de la nation algérienne. Sa volonté de réconcilier les mémoires aboutit paradoxalement à une crise inédite. Les dommages infligés à la relation franco-algérienne semblent aujourd'hui atténués, mais il faudra du temps pour en prendre la mesure. Alger est devenue une capitale très courtisée depuis que la Russie a envahi l'Ukraine. De nombreux pays européens, notamment du pourtour méditerranéen, veulent garantir leur approvisionnement en gaz. Le président espagnol, Pedro Sanchez, a clairement exprimé son désir de renforcer la coopération hispano-algérienne. L'Italie, autre client majeur du gaz algérien, a envoyé son ministre des Affaires étrangères. L'Algérie est, en effet, la puissance énergétique la plus proche des pays européens. Plus discrètement, Berlin pourrait également porter un intérêt plus marqué pour Alger. Les compagnies allemandes, appréciées des autorités algériennes, pourraient contribuer au processus de diversification de l'économie nationale. La coopération bilatérale dans le domaine économique est sous-exploitée. Le président Tebboune déclarait que l'Allemagne avait toujours traité l'Algérie avec respect sans l'once d'une arrogance. La fondation Konrad-Adenauer a récemment ouvert un bureau à Alger ; elle pourrait contribuer à éclairer les acteurs économiques de l'axe Alger-Berlin et établir des partenariats forts, consacrant une nouvelle approche de développement basée sur la coopération et le partage. La France saura-t-elle trouver sa place dans la concurrence des influences en direction d'Alger ? La relation entre Paris et Alger, deux grandes capitales de la Méditerranée, n'est pas dépassée, elle est assurément à dépasser en laissant derrière elle les brouilles à répétition pour construire un traité d'amitié franco-algérien tant attendu entre les deux rives. Emmanuel Macron réélu, cette perspective est à portée de mandature. Macron et Tebboune se reverraient-ils en héritiers d'un Mitterrand aux côtés de Kohl, permettant à deux peuples enfin apaisés de regarder ensemble vers l'avenir ? Le prochain député (ou députée) de la neuvième circonscription des Français établis hors de France, couvrant le Maghreb et une partie de l'Afrique de l'Ouest, saura-t-il œuvrer à la construction d'une relation privilégiée avec l'Algérie ? Les Jeux méditerranéens de 2022 apparaissent comme une victoire politique pour l'Algérie, et les autorités algériennes avaient prédit une campagne médiatique inédite. La médiatisation de l'événement apparaît, à quelques mois des Jeux, perfectible. À se demander si Alger a réellement une politique sportive. Le président Tebboune a récemment nommé un nouveau commissaire aux Jeux, Mohamed Aziz Derouaz, pour leur donner un nouveau souffle. Les Jeux méditerranéens ont quelque peu perdu de leur splendeur. S'ils demeurent un événement sportif de premier ordre pour les pays de la rive sud qui y inscrivent leurs meilleurs athlètes, les pays de la rive nord y envoient des athlètes à la notoriété plus modeste. Si la France envoyait ses meilleurs athlètes en Algérie, les Jeux sortiraient d'un mutisme assourdissant. Alger apprécierait assurément et consacrerait une trêve bienvenue dans la relation franco-algérienne. La balle est dans le camp de Paris.