Rachid Harroubia a reconnu, hier, que “nous n'aurons plus à placer nos étudiants sur le marché du travail”. Il préconise donc une formation à la carte selon les besoins des entreprises. “L'ancien système a atteint son objectif. Il ne s'agit plus de faire dans la quantité mais dans la qualité. Le niveau des étudiants a baissé. Nous n'arrivons plus à les placer sur le marché du travail. Les secteurs d'activité nous reprochent de ne pas mettre à leur disposition des diplômés qualifiés.” Terrible aveu d'échec que cette confession de Rachid Harraoubia. Si la démocratisation de l'enseignement, y compris universitaire, décrétée au milieu des années 1970 a permis à des milliers de bacheliers algériens de franchir le seuil des campus, plus tard beaucoup ont erré avec leurs diplômes sans réussir à décrocher un emploi. Certes, la crise économique a accentué l'ampleur du chômage parmi les jeunes cadres. Cependant, l'absence de maîtrise de l'outil de production par nombre d'entre eux a dissuadé les entreprises de les recruter. Chaque année, l'université projette dans des horizons inconnus des détenteurs de titres, sans vocation ni perspective. Tout dernièrement, des licenciés en droit ayant postulé pour un concours ont obtenu des notes catastrophiques. Cette énième déconfiture a suffisamment édifié le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique sur l'urgence de revoir le contenu de la formation, visant la flexibilité des cursus et une meilleure insertion dans le monde de l'emploi. “Nous pouvons ouvrir une filière et la fermer par la suite, une fois que le marché du travail aura satisfait ses besoins”, explique M. Harraoubia. Il s'exprimait hier devant des recteurs, des directeurs d'établissement et des représentants des organisations syndicales et estudiantines conviés au siège du département ministériel pour une double manifestation : l'installation du Conseil de l'éthique et de la déontologie ainsi que la présentation et la discussion des rapports des conférences régionales autour de la nouvelle architecture de l'enseignement supérieur. Compte tenu de sa nature déterminante pour l'avenir de l'université, ce projet qui sera présenté au gouvernement pour adoption a monopolisé l'ensemble des débats. De son côté, le ministre s'est employé à travers une exégèse pédagogique et des arguments pragmatiques à convaincre son auditoire du bien-fondé de sa démarche. “La tutelle n'impose rien. Les offres de formation doivent venir des établissements”, soutient-il. L'instauration du nouveau système LMD (licence, master, doctorat) préconise la mise en place de pôles de formation dans un ou plusieurs établissements. Une commission d'habilitation installée au sein de l'administration centrale est chargée d'étudier et de valider les candidatures. Cette année, 29 campus uniquement ont été autorisés à dispenser des formations spécifiques. Plus tard, une carte des formations sera établie. “Ceux qui ne sont pas prêts ont encore le temps”, rassure M. Harraoubia. En décentralisant l'enseignement, le ministère octroie aux universités une grande autonomie. Par ailleurs, il les responsabilise et les rend comptables de résultats. Les performances de chaque établissement se mesurent dans sa capacité à faire fondre ses diplômés dans la vie active. “En Europe, on est allé plus loin en mettant en place le système contractuel. Les universités sont sous-contrat avec la tutelle pour dispenser telle ou telle formation. Certaines délocalisent leur enseignement et le confie à des institutions qui d'ordinaire ne sont pas habilitées”, révèle le représentant du gouvernement. L'apport des entreprises économiques devra été mis à contribution également. “L'université déborde sur sa droite. Elle ne peut plus vivre en vase clos”, renchérit M. Harraoubia. En guise de prélude à cette ouverture, une école des affaires est créée. Elle est financée conjointement par les Chambres de commerce algéro-françaises. La fin de l'autarcie inclut également une diversité linguistique dans les enseignements. “Avec une seule langue, la communication n'est pas facile. Il faut introduire d'autres langues dans les licences”, préconise le ministre des universités. Aujourd'hui, l'ensemble des sciences humaines est dispensé en arabe. Ce qui souvent handicape les étudiants, notamment dans l'accès aux ouvrages. Le troisième élément devant promouvoir le rôle de l'université dans l'essor économique de notre pays réside dans la réhabilitation de l'élite. À cet effet, de grandes écoles seront créées. “Le texte est en circulation au sein du gouvernement”, confie le ministre. Au sein des écoles doctorantes, les étudiants auront même la possibilité de bénéficier d'une double tutelle, nationale et étrangère grâce à la signature de conventions avec des universités d'autres pays. Cependant, la réalisation de ces grandes ambitions est hypothéquée par l'absence d'un encadrement qualifié et en nombre suffisant. En 2009, 1 400 000 étudiants sont attendus dans les campus. Les besoins en matière d'enseignants s'élèveront à 50 000 enseignants. Ce qui implique d'ici là le recrutement de 24 000 professeurs et maîtres assistants. Or, compte tenu de la lenteur dans la formation des encadreurs (0,95 de doctorants en sciences ont soutenu leurs thèses en 2005 et 11,8% en doctorat d'Etat), il est peu probable que la pénurie soit résorbée. Samia Lokmane