Les affrontements, fortement redoutés entre archs, ont pu être contenus intra-muros. Le taux de participation est toutefois jugé faible comparativement à la proportion habituelle dans la région. À peine 60,21% des 23 204 électeurs cumulés entre les deux communes de Khenchela concernées par les élections municipales partielles. Si à Aïn Touila, le taux de participation a atteint les 71,60%, à Babar (la plus importante commune de la wilaya avec pas moins de 13 397 électeurs), le nombre des suffrages exprimés a dépassé, de peu, la barre de 51% des citoyens en âge de voter dans la circonscription. “Le taux est faible”, reconnaît le chef de la daïra. Les autorités locales, à leur tête le premier magistrat de la wilaya, ne se sont pas, toutefois, appesanties sur les raisons ayant poussé les gens à ne pas se présenter massivement aux urnes. L'essentiel, à leurs yeux, est d'avoir évité la réédition du terrible scénario d'octobre 2002 (vote invalidé dans les deux circonscriptions susmentionnées à cause des émeutes qui ont duré trois jours). Aïn Touila et Babar ont, depuis toujours, la réputation de ne pas vraiment agréer le verdict des urnes. Aussi bien dans l'une que dans l'autre, les archs imposent leurs choix politiques. Celui dont la volonté n'est pas satisfaite à l'issue du scrutin, sabote systématiquement la victoire de l'adversaire. À Aïn Touila, deux clans s'affrontent : les Ouled Laïche et les Ouled Hamouda. Le premier se positionne derrière le FLN. Le second privilégie le RND. Cette dualité devient pesante en période électorale. C'est à l'école primaire Khaoua-Haoues que les femmes de la localité votent. À 15h, il y avait foule dans la cour de l'établissement. Le taux de participation est déjà au-dessus de 50%. “Les électrices ont exceptionnellement voté dans la matinée”, informe le chef du centre. Les femmes, dont les voix font souvent la différence dans le douar, sont partagées sur l'appréciation à donner au comportement politique de leurs hommes. “Ici, chacun vote pour les membres de son arch. Le perdant est la commune qui manque de tout”, affirme une jeune fille. “Le arch des Ouled Laïche est dur. S'il ne gagne pas les élections, il brûle le village”, témoigne une dame d'un certain âge. “Non ce n'est pas vrai, ce sont les partisans du RND qui ne supportent pas de perdre”, contredit une autre. Aussitôt s'élève une cacophonie de vociférations et de contre-accusations. Notre premier témoin nous tire par le bras. “Le FLN et le RND sont, la plupart du temps, comme des frères. Ils deviennent adversaires juste pendant les élections. Il faudra pourtant commencer à penser à l'essentiel. La commune est très pauvre.” À Babar, la situation est plus complexe. Cinq archs se disputent le pouvoir politique : les Ouled Tabet, Ouled Ahmed Ben Ali, Ouled Belgacem Ben Ali, Ouled Nsar et les Lakhnatcha. Chacune de ses tribus est acquise à un ou plusieurs partis politiques. Il est difficile, même pour les natifs de la région, de savoir exactement qui soutient qui. Les alliances se nouent et se dénouent au gré des intérêts de l'heure. Dans cette commune, qui a connu de violentes émeutes lors des dernières élections locales, six partis politiques (FLN, RND, MSP, PT, FNA et Ahd 54) sont en lice pour les onze sièges de l'APC. Chacun sonde ses chances en fonction des appuis qu'il a arrachés au sein des archs. Le FLN et le RND, solidement ancrés dans la localité, sont toutefois les favoris de la course. C'est justement du côté des partisans des deux formations que les dérapages peuvent survenir. Les centres de vote, particulièrement à Aïn Djerboua et au centre Nasraoui Amar au chef-lieu de Babar, sont étroitement quadrillés par la Gendarmerie nationale et la police. Des renforts ont été envoyés de Batna et autres wilayas frontalières. On estime le dispositif sécuritaire à 12 000 hommes. La tension montait d'un cran au fur et à mesure que l'heure du dépouillement approchait. Les attroupements, qui se formaient aux alentours des bureaux de vote, sont immédiatement dispersés par les forces de sécurité. À 19h, les portails des établissements scolaires deviennent hermétiques aux personnes non mandatées par l'administration. À 19h01, les chefs de centre donnent le coup d'envoi au dépouillement. L'opération se déroule sous l'œil attentif des représentants des partis. 45 minutes plus tard, il devenait loisible de pronostiquer la victoire du FLN, talonné de peu par son alter ego le RND. Les résultats finaux, parvenus au siège de la wilaya vers 22h, confirment la tendance. À Babar, le vieux parti gagne 5 sièges. Il est suivi par le RND avec 4 sièges. Le PT et le MSP glanent, chacun, un siège. À Aïn Touila, Le FLN s'assure le contrôle de l'APC avec 5 élus contre 4 pour le RND. Les militants des deux partis ont reçu les résultats des urnes sans les contester, publiquement du moins. De fermes instructions ont été données par Ouyahia et Belkhadem, aux coordinateurs locaux, de contenir coûte que coûte un éventuel désappointement intra-muros. L'administration centrale a pris, en outre, la précaution d'encadrer les bureaux de vote par des fonctionnaires du chef-lieu de wilaya de Khenchela. S. H.