Les résultats de ce processus, une décennie après son lancement, restent bien maigres. Le Sommet Euromed prévu à partir de demain consacre pour de nombreux universitaires et experts l'échec du processus de Barcelone. Dix ans après, ses résultats restent bien maigres. Initialement, suivant l'esprit de ce partenariat entre les pays des deux rives de la Méditerranée, devait être créée une zone de prospérité partagée afin de réunir les conditions de la stabilité politique de la sous-région et de freiner à la source les flux migratoires, deux préoccupations majeures qui, à l'époque, obsédaient les pays de la rive Nord. Dix ans après, les écarts de richesses sont restés très importants. Qu'on compare : si on prend l'Algérie dont le revenu moyen par habitant est d'environ 2 000 dollars, il est dix fois plus élevé dans des pays de l'UE de la rive Nord de la Méditerranée qui ne sont d'ailleurs pas les premiers en termes de richesses. Ce fossé est à la source de la tentation persistante à l'émigration, d'ailleurs plus vive chez les pays voisins. Le processus de Barcelone devait entraîner la libre circulation des biens et capitaux à travers la création d'une zone euroméditerranéenne de libre-échange prévue initialement en 2010. Concrètement, des accords d'association avec l'Union européenne, devant consacrer ces principes, ont été tour à tour signés avec la Tunisie, le Maroc, l'Egypte, la Jordanie et l'Algérie... Arrangements devant déboucher sur cette zone de libre-échange Euromed. Ces traités de libre-échange prévoient un progressif démantèlement tarifaire en contrepartie d'une aide financière et technique à la mise à niveau des tissus industriels de chaque pays pour éviter que cette plus grande ouverture des marchés des pays tiers méditerranéens ne se traduise par la disparition de pans entiers de leur économie. Au plan comptable, l'aide a été si dérisoire, par rapport aux transferts de l'Union européenne vers les régions défavorisées de l'Europe, ou mieux vers les pays de l'Est. Pour 2000-2006, 13 milliards d'euros sont prévus au titre des programmes Meda et des financements de la Banque européenne d'investissement pour tous les pays tiers méditerranéens. Ce qui donne par pays pas plus de 300 millions d'euros par an en moyenne. L'accord d'association entretient, de surcroît, un mythe : l'illusion d'une libre-circulation des marchandises sans liberté de circulation des personnes. Quand les pays tiers méditerranéens soulèvent cette question : les autorités européennes leur disent : c'est une question bilatérale. Un prétexte qui veut dire le refus de la partie européenne d'accorder des concessions sur le sujet alors qu'il s'agit de faciliter la circulation des personnes concernées avant tout par le développement des échanges entre les deux rives. Il apparaît illusoire de développer un partenariat fécond avec la rive Nord quand des restrictions aux visas touchent les hommes d'affaires, les universitaires et les hommes de culture. Par ailleurs, quand l'idée a été lancée de créer une banque Euromed, au même titre que la Berd pour les pays de l'Est, pour booster les financements accordés à la rive Sud, les pays européens l'ont rejetée en bloc, pour une facilité prévue et gérée au sein de la BEI, de moindre importance. La même logique semble présider lors de ce sommet. Les problèmes du terrorisme et des flux migratoires sont mis en avant par la partie européenne. Certes, ce sont des questions très importantes qui méritent d'être solutionnées en concertation entre les pays des deux rives. Mais en contrepartie, que donne l'Europe ? Elle traite comme à l'accoutumée les effets et non les causes de ces problèmes. Elle se préoccupe de la rive sud quand ces mêmes problèmes prennent de l'acuité à ses frontières. Et se soustrait à chaque fois de sa responsabilité historique de contribuer à l'émergence de pays prospères, dans la rive sud, un garant évident de la paix et de la stabilité dans la sous-région. Le boycott du sommet par des chefs d'état importants n'est pas ainsi déraisonné : il se justifie par ces termes inégaux des échanges entre les deux rives. N. Ryad