Presque un an, jour pour jour après son adoption, la loi française du 23 février 2005 portant “reconnaissance de la nation aux rapatriés” se voit amputée de sa partie “purulente”, l'article qui dispose que “les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer”. L'article, qui glorifie ainsi la colonisation pour avoir construit des routes et des écoles dans les colonies (pour qui ?), s'est révélé un poison pour les relations algéro-françaises. Si les autres pays du Maghreb, placés sous protectorat français, n'ont pas soulevé la moindre protestation, les descendants d'esclaves dans les Antilles, pourtant toujours dans le giron de la France, ont dénoncé une “loi de la honte”. Avec l'implication de l'emblématique écrivain Aimé Césaire, ils se sont mobilisés au point d'obtenir l'annulation en décembre d'un voyage du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. Dans les relations franco-algériennes, la loi est venue jeter le trouble au plus mauvais moment. L'année écoulée aurait dû être celle de la conclusion du traité d'amitié entre les deux pays voulu par les chefs d'Etat. Le président Bouteflika a dénoncé la loi en question comme une “cécité politique” qui “confine au négationnisme et au révisionnisme”. Dans son ensemble, la classe politique s'est émue et l'Assemblée nationale a adopté une motion demandant l'abrogation du texte. Le chef du FLN, Abdelaziz Belkhadem, a clairement exclu la signature du traité d'amitié tant que la loi ne serait pas abrogée. En France, l'UMP, parti au pouvoir, s'y est refusée malgré l'occasion qui lui a été offerte par les socialistes. Le PS avait soumis une proposition de loi pour abroger le texte. Le 29 novembre, l'UMP la rejetait. Extrait de l'intervention d'un député de ce parti pour apprécier la tonalité des débats. “Je ne peux accepter que cet hommage à la présence française outre-mer soit attaqué (...) Notre passé se compose de multiples facettes. La France coloniale a permis d'éviter des épidémies dévastatrices grâce aux traitements dispensés par les médecins militaires. Les Français d'outre-mer ont permis la fertilisation des terres incultes et marécageuses, la réalisation d'infrastructures que les Algériens utilisent encore aujourd'hui. La France a posé les jalons de la modernité en Algérie en lui donnant les moyens d'exploiter les richesses de son sous-sol. L'article 4 se borne simplement à rappeler que l'histoire ne peut s'écrire d'une seule main”, aboyait Michèle Tabarot. Face à ce raidissement des députés, le gouvernement a dû sortir du bois progressivement. D'abord par le ministre de l'Outre-Mer, Xavier Baroin. C'est ensuite le Premier ministre Dominique de Villepin qui a personnellement souhaité l'abrogation de l'article controversé. Pour éviter une crise avec la majorité, le président Jacques Chirac est allé à la manœuvre. Il a créé une commission confiée au président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Après des semaines de réflexion, elle s'est ralliée à la thèse de l'abrogation. Dans la foulée, le président Chirac a saisi le Conseil constitutionnel qui a déclassé l'article en estimant qu'il avait un caractère “réglementaire” et non “législatif”. Ce qui a permis à Chirac de mettre fin à la controverse en supprimant l'article contesté par un décret publié jeudi au Journal officiel. Avant son adoption le 23 février 2005, la loi avait déjà connu un long cheminement. Tout commence en septembre 2003 avec un rapport remis au Premier ministre d'alors Jean-Pierre Raffarin. Un député du Lot-et-Garonne (Sud), Michel Diefenbacher, rédige un document devant servir de base à une loi “portant reconnaissance de la nation en faveur des Français rapatriés”. Un projet de loi est ensuite présenté en mars 2004. Il indique que “la nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc et en Tunisie, ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française”. Le texte a connu moult péripéties avant sa version finale. Une seule voix, celle du député communiste Guy Fisger, avait dénoncé “ce cheval de Troie banalisant les guerres coloniales, un hymne à la présence prétendument civilisatrice de la France en Afrique”. La voie est désormais rouverte devant la signature du traité d'amitié qui prévoit un partenariat privilégié entre les deux pays. ça pourra commencer par une visite à Alger du chef de la diplomatie Philippe Douste-Blazy qui avait donné sa caution au texte. “Il ne faut pas se tromper, c'est un ami de l'Algérie”, assure-t-on dans son entourage. Le maire de Toulouse, une région qui compte de nombreux rapatriés, avait juste donné son aval à une initiative engagée par des amis politiques... Y. K.