Tout en combattant le terrorisme à travers le monde, les Etats-Unis encouragent les fondamentalistes en leur permettant d'accéder au pouvoir, comme c'est le cas des Frères musulmans en Egypte. Les dépassements enregistrés lors du dernier round des législatives égyptiennes n'ont pas manqué de faire réagir à nouveau le département d'Etat américain. “Nous avons constaté un certain nombre de développements au cours des deux dernières semaines des élections législatives, qui soulèvent de sérieuses préoccupations sur la direction des réformes politiques en Egypte”, a déclaré le porte-parole adjoint du département d'Etat Adam Ereli. “Clairement, ces actions envoient un mauvais signal sur les engagements de l'Egypte en matière de démocratie et de libertés”, a-t-il ajouté. Le maintien en détention préventive par un tribunal du Caire de l'opposant Aymen Nour, jusqu'à la date de sa comparution, n'a fait que rajouter à l'irritation des Etats-Unis. Adam Ereli a indiqué que Washington surveillait attentivement ce qui arrivera à Aymen Nour durant le procès, avant de déclarer : “Nous exhortons le gouvernement égyptien à faire le maximum pour que ce procès se déroule selon les normes judiciaires internationales.” Sur un ton ferme, contrastant avec celui plus modéré de Sean McCormack, le porte-parole attitré du département d'Etat a mis l'accent sur le fait que ce qu'a vécue l'Egypte durant ces élections législatives est en contradiction avec les promesses faites par Hosni Moubarak, concernant l'ouverture politique dans le pays et l'encouragement du dialogue entre les divers éléments de la société. Jeudi encore, Washington est allé jusqu'à évoquer des contacts informels avec les élus des Frères musulmans. Un haut responsable du département d'Etat, ayant requis l'anonymat, a laissé entendre que des officiels américains pourraient prendre contact avec des membres victorieux des Frères musulmans. Ceci étant, toutes les manœuvres politiques et les intimidations par la force, auxquelles ont eu recours les partisans du Parti national démocratique au pouvoir, n'ont pas empêché la confrérie, interdite par la loi mais tolérée par le régime de Hosni Moubarak, de faire une percée remarquable. Plus de 1 300 membres de ce courant ont été arrêtés par la police avant le déroulement du second tour. Ainsi, bénéficiant de la passivité des forces de l'ordre, qui n'ont généralement pas tenu compte des décisions des magistrats chargés de contrôler les élections, le parti du raïs aura tout fait pour maintenir sa mainmise totale sur le Parlement, en vain. L'on a recensé une dizaine de morts et plusieurs centaines de blessés tout au long du scrutin, marqué par des violences inouïes et une multitude d'irrégularités. Interventions d'hommes de main armés liés au PND, bourrage des urnes et achats publics de voix ont constitué les principales violations du code électoral égyptien, au grand dam des magistrats, qui n'avaient aucun moyen d'agir. Leurs protestations, mettant directement en cause les services relevant du ministère de l'Intérieur, ont été ignorées. “Il est impossible pour un électeur égyptien d'aller voter dans de telles conditions”, a affirmé Ihab Salam de l'ONG Groupe pour le développement de la démocratie. Même si le PND a remporté les deux tiers des sièges de l'Assemblée, les adeptes de Hassan al Banna, le fondateur de la confrérie en 1928, sont passés de 15 à 88 élus. C'est dire l'importance de ce succès, qui fait des Frères musulmans la seconde force politique d'Egypte, le reste de l'opposition laïque n'ayant gagné que 14 sièges. K. ABDELKAMEL