Des actes de vandalisme et des attitudes agressives, physiques et verbales ont été signalés ces jours-ci dans les lycées de la wilaya de Batna. Une ambiance de malaise et de peur s'est installée. Les élèves déplorent la “violence omniprésente” et s'estiment “désemparés et sans solution” face à ce phénomène. En même temps, certains enseignants sentent une menace et d'autres ne savent comment s'y prendre. L'aveu d'impuissance a quelque chose de tragique. Les témoignages abondent. La liste d'élèves et de professeurs qui se sont faits “casser la gueule” s'allonge. Qui en est responsable ? Carence éducative ? Affaire de milieu social ? Une divergence de vues et une seule réalité : la fureur des mots et des actes envahit les établissements scolaires ! Dans les établissements chauds du chef- lieu de la wilaya de Batna, à l'exemple de Abbès-Laghrour, la casse est devenue systématique. Dans ce lycée, on enregistre fréquemment des portes arrachées, des tableaux détachés des murs, des carreaux brisés, des graffitis insultants, des chaises et des tables cassées... Certains élèves ont même ouvert une fois le robinet de gaz, situé derrière la surveillance générale, et ouvert une large brèche dans le mur de la cour. Devant cette situation alarmante, les violences sont cachées, étouffées pour faire croire aux supérieurs hiérarchiques que tout va pour le mieux. Les rapports ou les statistiques ne montrent pas grand-chose. Les actes de vandalisme se produisent chaque jour et les élèves dégradent et détruisent les biens de l'établissement scolaire sans motif apparent. C'est du moins ce qu'on laisse entendre. Mais la réalité est tout autre : le vandalisme est un signe de détresse qui demande, en urgence, une intervention, une aide à l'élève, à l'adolescent en difficulté. Et ils sont nombreux. Dans une enquête sur la violence des enfants, un certain Jean-Marie Théolleyère écrit : “Le vandalisme lui-même, que l'on proclame toujours trop vite acte gratuit, accompli pour le plaisir, n'est pas plus gratuit que ne saurait l'être une vengeance ou un besoin de s'affirmer, de retenir l'attention. Le mobile n'en est jamais que le malheur ou, pire, le sentiment du malheur, d'un malheur toujours à découvrir.” SILENCE COMPLICE Au lieu d'essayer de découvrir ce malheur et l'éradiquer, ou du moins le réduire, on préfère fermer les yeux et faire dans le populisme au risque d'amplifier jusqu'à la délinquance des comportements relevant de la simple discipline. Les élèves en difficulté n'ont pas besoin de cette comédie, ils ont besoin d'actions concrètes de soutien et d'assistance avant qu'il ne soit trop tard. Tout le monde sait que la violence physique ou verbale, avant de provenir de l'enfant, a été d'abord exercée sur ce dernier, ou du moins ressentie. La violence, leur violence, celle qu'ils expriment aussi bien que celle qu'ils subissent, ils en parlent, spontanément. Au lycée Abbès-Laghrour, nous avons écouté les élèves et ils nous ont parlé de tout : de leur peur, de leurs angoisses, des problèmes vécus à la maison, des coups qu'ils reçoivent, de la violence dans la rue, dans le lycée, de leur détresse face aux examens, du mépris des professeurs face à leurs problèmes, des classes surchargées, etc. Mille violences ont été exprimées sans fard. “Y en a marre !” ou encore “De toute façon, la vie est foutue !” Lorsque des élèves parlent ainsi, cela cache autre chose qu'une rumeur passagère. Cela cache un malaise dont souffre l'élève et qui pourrait lui faire mal plus tard s'il n'est pas disséqué minutieusement et à temps. On parle de fugue, de drogue, de prostitution, de vol, de saccage. Très bien. Mais dans tout cela, il faut voir ce qui est, en réalité, une autodestruction. À côté de la violence dirigée contre l'autre — saccage, incendie, coups, racket, larcin, cambriolage —, il y a celle que l'on retourne contre soi-même, consciemment ou non : le recours à la drogue, la prostitution, l'errance, façons diverses pour être ailleurs, c'est-à-dire nulle part, pour fuir un milieu, une situation insoutenable. Tous ceux qui ont été consultés sur le sujet conseillent d'ouvrir des cellules d'écoute au niveau des établissements scolaires, surtout au niveau de ceux qualifiés de chauds, pour prendre en charge les élèves en difficulté et d'opérer des interventions précoces pour les aider à les surmonter. Fermer les yeux sur leurs problèmes et les ignorer ne font qu'accentuer leur désarroi. On devrait faire face à leurs problèmes, les prendre au sérieux, les étudier, voire y remédier pour le bien-être de cette population d'adolescents très fragile. Les tenants de la compréhension poussée jusqu'à abolir toute contrainte devraient comprendre que les choses n'évoluent pas positivement, car il y a risque de déboucher sur des affrontements entre les élèves, entre professeurs et élèves, sur des bagarres entre groupes rivaux, bandes contre bandes. Devant les lycées, dans les rues, les choses sont pires. Le goût des coups, de la bagarre cède la place à ce mouvement de liesse qui régnait autrefois dans les établissements scolaires. B. Belkacem