Phénomène n Des gros mots à profusion, des gestes obscènes, une jeunesse incontrôlable. Dans les rues d'Alger, il est devenu parfois risqué de circuler en famille ou entre amis. Alger, comme les autres grandes villes, connaît, à longueur de journée, plusieurs éruptions de violence de rue avec une lente progression de la délinquance et le fort sentiment que la jeunesse est devenue, de par ses multiples incivilités, quasiment incontrôlable. Ce qu'on qualifie d'incivilités, ce sont les attitudes agressives, l'injure et l'irrespect. Ce qui, au bout du compte, représente un véritable baromètre de la dégradation des rapports sociaux. Alger ne donne plus l'assurance à un badaud «qu'on ne va pas l'agresser». La rupture avec des mots comme pudeur et bienséance est, aujourd'hui, consommée et un climat d'insécurité règne. Des jeunes, en manque de repères et de limites, ont la manie des gros mots et des insanités à tout bout de champ. C?est comme si ces «paroles» étaient devenues leur raison d?exister et de s?affirmer. Trains tagués à l?intérieur comme à l?extérieur, vitres rayées, violence verbale : même les transports ne sont pas épargnés par les actes de vandalisme ni par l?insécurité. Les incivilités sont un manque d?égard des uns vis-à-vis des autres. Quand on voit des jeunes insulter des personnes âgées, cela crée un sentiment d?insécurité, même si l?intégrité physique n?est pas menacée. Et dans une conversation dans un bus, la plupart du temps, les jeunes parlent à haute voix. Certes, ils ne font pas de mal, mais cela oppresse et dérange certaines personnes qui se sentent agressées. Un bus sale, des sièges déchirés, des regards soupçonneux plongent inexorablement les usagers, qui s'y trouvent, dans un sentiment de mal être. Les caméras de surveillance installées, aussi puissantes soient-elles, ne peuvent pas jouer le rôle de la morale et de l'éducation qui constituent les premiers matériaux de la reconstruction des liens sociaux car chacun de nous a le droit de se sentir respecté dans sa personnalité et dans la place qu?il occupe. Que faire alors au moment où le défaitisme des uns et des autres a relégué les bonnes manières au rang très peu enviable de simples figurants. Aujourd?hui, une nouvelle mode bat son plein, dans les rangs des jeunes surtout : on raye les vitres, on arrache les sièges, on y met le feu, on lance des cailloux contre les véhicules, les trains et tout ce qui bouge. Les jeunes, pour la plupart en rupture de formation et/ou dans une situation personnelle difficile, s?ennuient, n?ont plus de limites, plus de repères et se considèrent tout-puissants, donc incontrôlables.