À la galerie Arts en liberté sont exposées des gouaches et des aquarelles récentes d'Alger. Ces dessins et les textes qui les accompagnent présentent l'avantage du spontané. Les dessins sont le reflet des mots. Et vice versa. L'on sentirait presque le tumulte qui fait battre le cœur de la capitale algérienne. “Alger, simples confidences” est à la fois le dessin et le texte. Le fruit, ruisselant de la lumière, car il s'agit d'Alger, de cette union est aussi un beau livre qui a fait une irruption dans l'intimité de la ville et dans la vie de ses habitants. Mais pour les deux artistes, Zahia Hafs et Elsie Herberstein, il n'est question ni de la nostalgie du pays natal ni de l'orientalisme désuet et synonyme d'exotisme. Les deux femmes, l'une d'origine algérienne et l'autre autrichienne, ont combiné leurs mots et leurs dessins, les premiers étant le reflet des seconds. Et vice versa, les couleurs habillant les textes. Et cette double sensibilité s'est invitée à Alger pour croquer sur le vif quelques instants fugaces. Qu'il s'agisse du bleu de la mer, d'une venelle tortueuse de La Casbah, d'une rue surpeuplée de la ville ou alors d'un portrait, les dessins d'Elsie Herberstein, gouaches et aquarelles, ont été exécutés in situ, sans que l'artiste ne se donne le temps du recul. Seul semble compter l'instant de l'inspiration née d'une rencontre. “J'aime les villes portuaires. Alger offre une multitude de superpositions et de contrastes : le tempérament affable et brutal à la fois des gens, des architectures vieilles et modernes, la colline et la mer, le désordre et la fluidité. Pour moi, une ville ne peut exister sans ses habitants. Et c'est pour cela qu'il y a tant de portraits dans mon travail”, dit Elsie Herberstein. Et justement, l'exposition, organisée à la galerie Arts en liberté, et l'ouvrage, édité chez Jallan Editions, des portraits de femmes et d'hommes, célèbres et illustres inconnus, sont suffisamment présents pour faire ressentir ce tumulte qui fait battre le cœur de la capitale algérienne. C'est cette spontanéité, ce choix délibéré mais également guidé par le hasard des rencontres qui font la sincérité des mots. On y croise des visages familiers, comme celui, par exemple, du comédien Ahmed Benaïssa, de l'artiste Arezki Larbi ou de l'incontournable libraire Ali Bey. Ceux-là s'expriment, sur leur métier, en termes mesurés, avisés. Mais les autres, ceux que l'on rencontre une seule fois, eux, parlent, par contre, de manière décousue, à l'image de ce secouriste “délicieusement bavard” et de Hakim, ce marin-pêcheur, qui s'étonne : “Tu m'a dessiné en noir et blanc ! Je suis démodé ou quoi ?” Et cette adolescente de seize ans qui déclare : “Je sui née à La Casbah ; j'ai toujours habité cette maison. Je ne peux pas la quitter (…) Je n'aime pas le couscous. J'aime le raï comme mes copines.” Alger est aussi ses lieux publics, ses cafés, ses bars… Karim parle de sa brasserie, La brasserie des jardins, comme d'une “passion”. Pour l'auteur de ces textes, Zahia Hafs, également éditrice, il fallait revenir à Alger après une longue absence, “revenir avec un projet. Nous avons débarqué à Alger avec seulement deux adresses. C'est aussi cela l'aventure”. Et quand un projet plaît à s'accommoder des imprévus de l'aventure, il en résulte le double plaisir du regard et de la franchise. SAMIR BENMALEK “Alger, simples confidences” Expo-vente, visible tous les jours jusqu'au 8 janvier 2006. Galerie Arts en liberté. Immeuble Le patrimoine algérois. Local n° 6, Panorama, Kouba, Alger. Tel : 021 47 08 31. Le livre est cédé à 2 200 DA.