C'est une femme qui n'a ni fait de grandes études, ni n' a été dans de grandes écoles mais son art est déjà dans la postérité tant son trait évoque le sens de l'harmonie. On la connaît par son prénom, Baya. Elle n'a jamais su parler de sa peinture, pourtant sa première exposition parisienne datée de 1947 a charmé bien des poètes… Et quels poètes ? Les surréalistes de la trempe d'André Breton qui a été le premier à avoir souligné que “Baya est reine, Baya, dont la mission est de recharger de sens ces beaux mots nostalgiques : l'Arabie heureuse, Baya qui tient et ranime le rameau d'or. ” C'est à propos de cette artiste qu'André Breton utilise pour la première fois, en 1947, l'expression “ Art brut ” pour définir, comme le formulera, plus tard, Jean Dubuffet, “des œuvres présentant un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possible débitrices de l'art coutumier ou des poncifs culturels, et ayant pour auteurs des personnes étrangères aux milieux artistiques professionnels”. Un événement heureux : les peintures de cette artiste-peintre décédée en 1999, seront exposées pour la première fois depuis 1963, à la galerie des Bronzes au Musée national des Beaux-Arts. Ce rendez-vous plastique unique qui a été ouvert hier se déroulera durant un mois entier, dans le cadre de “Alger, capitale de la culture arabe”. Plus de 80 peintures dont une cinquantaine appartenant à des collections privées et familiales et les autres au Musée seront exposées durant cet événement en hommage à la défunte artiste. Reconnue depuis lors sur la scène artistique internationale, Baya, après une interruption de quelque dix années, retrouvera la peinture en 1963, ce qui lui vaudra de confirmer son talent et sa capacité de création, sur le plan national et international, jusqu'à sa mort. Intitulée Baya, un appel singulier cette manifestation plastique se présente comme un événement en soi, puisque la défunte artiste n'a pas exposé d'œuvres dans cet espace des Beaux-Arts depuis 44 ans. Née en 1931 à Bordj-el-Kiffan, sur la côte est d'Alger, Baya était très tôt orpheline. Elle sera ainsi élevée par sa grand-mère. En 1942, Frank Mac Ewen et Marguerite Camina, amie et collaboratrice de Miro, remarquent l'originalité de ses modelages et de ses dessins sur la terre. Ils la prennent en charge et lui donnent les moyens de réaliser des gouaches. Quatre années plus tard, Aimé Maeght, de passage à Alger, découvre ses œuvres et les expose dans sa galerie à Paris. En 1948, elle séjourne à Vallauris où elle réalise des terres cuites à la poterie Madoura où travaille Picasso. En 1953, elle épouse le chanteur-compositeur El Hadj Mahieddine El-Mahfoud dont elle aura six enfants. Depuis, Baya s'est installée à Blida Jusqu'à sa mort. La peinture de Baya est un univers fantastique où se côtoient oiseaux, poissons, femmes et fleurs dans une géométrie non pas réelle mais surréelle. Ses couleurs sont tirées de cet imaginaire naïf qui attire les petits par son éclatement : le jaune, le rouge, le noir et le rose…La peinture de Baya est unique, dans le sens où elle ne prend pas son inspiration de ces signes et symboles propre à notre culture, mais ses signes elle les invente elle les crée de façon aussi naturel qu'esthétique. Sa force plastique résiderait dans ce pouvoir d'harmoniser ses personnages qui peuplent ces peintures dans une couleur que l'on dirait une genèse. Baya est, dans ce sens, une artiste plasticienne des plus complètes, puisque fondamentalement tournée vers les réalités invisibles de l'imaginaire .