Mohamed Benchicou a reçu la semaine dernière la visite d'un médecin du CICR (Comité international de la Croix-Rouge), dépêché expressément par l'organisation humanitaire pour s'enquérir de l'état de santé et des conditions d'incarcération du directeur du Matin, enfermé à la maison d'arrêt d'El-Harrach depuis le 14 juin 2004. Avant de rencontrer le journaliste, le délégué du CICR a demandé à consulter son dossier médical, détenu par la direction de la prison. Mohamed Benchicou, souffrant, ne bénéficie à ce jour d'aucun soin spécifique. En dix-huit mois de détention et malgré les innombrables demandes de l'administration et des médecins de la prison, il n'a eu droit qu'à deux examens radiologiques pratiqués dans un hôpital algérois : un EGM et une IRM, intervenus respectivement après une année et une année et demie d'emprisonnement alors que, poursuivi pour diffamation, le directeur du Matin a été extrait de sa cellule pas moins de 33 fois pour être jugé par le tribunal d'Alger. Constatant de visu l'évolution de sa maladie dont une “baisse nette de la motricité du bras droit”, le médecin du CICR a confié à Benchicou que son organisation “ne lâchera pas la pression tant qu'il (Benchicou) ne bénéficiera pas d'une prise en charge médicale totale, précisément prescrite par un médecin spécialiste en neurologie, et ce, sur la base des dernières explorations” radiologiques effectuées. Le délégué du CICR s'est dit “convaincu” que la hiérarchie judiciaire n'a consenti au journaliste son droit de sortie pour les deux examens subis en milieu hospitalier que “sous la pression nationale et internationale”. En qualité de journaliste, Mohamed Benchicou a tenu, par ailleurs, à témoigner des conditions carcérales de tous les détenus d'El-Harrach sans exception aucune. Au délégué de la Croix-Rouge, il a fait part, en tant que témoin privilégié, des conditions scandaleuses et quasi inhumaines de certains détenus, notamment ceux consignés dans les geôles. Considérant sa propre condition de détention relativement supportable, Mohamed Benchicou a attiré l'attention de son interlocuteur sur celle d'une partie importante des détenus vivant dans des cellules vétustes, insalubres, manquant d'air et de lumière. Dans ces lieux, a affirmé le journaliste, la santé de la personne se dégrade rapidement. La gale, les maladies respiratoires, la tuberculose pour ne citer que ces pathologies, se propagent de façon inquiétante parmi les détenus d'El-Harrach, sous l'effet conjugué de la surpopulation, du manque d'hygiène et de la sous-alimentation. Le temps d'un entretien en tête-à-tête avec le délégué du CICR, le directeur du Matin s'est fait le porte-parole de ses codétenus pour une réelle réforme de la justice à l'effet de bannir les arrestations arbitraires et le recours abusif à la détention préventive. Il a aussi fait part à son interlocuteur du souhait des prisonniers de voir l'application rapide de la loi de février 2005 qui prévoit le régime de semi-liberté et de liberté conditionnelle, des permissions de sortie et de suspensions de peine pour raison de santé ou familiale, ainsi que l'émergence d'associations autonomes d'aide et de soutien aux détenus. Le Comité Benchicou pour les libertés qui a, à maintes reprises, alerté l'opinion interne et internationale sur l'état de santé préoccupant de Mohamed Benchicou, se félicite de l'intérêt porté par le CICR au directeur du Matin en tant que détenu d'opinion.