Malgré les mises en garde américaines quant à un traitement inéquitable du procès de cet opposant, la justice égyptienne a frappé, hier, d'une main lourde dans cette affaire. Après des élections législatives dénoncées par l'Occident et marquées par des violences, qui ont fait une dizaine de morts, l'Egypte s'expose à d'autres critiques avec la condamnation à cinq années de prison ferme de l'opposant le plus en vue de Hosni Moubarak. Ayman Nour, 41 ans, était jugé pour falsification de documents officiels lors de la création de son parti, Al Ghad, l'année dernière, une accusation qu'il dément. Il avait été placé en détention préventive le 5 décembre et était en grève de la faim depuis le 10 décembre. À la veille de la reprise de son procès début décembre, Ayman Nour disait s'attendre à être condamné à la prison et avait bouclé sa valise. Il a affirmé que le régime avait essayé de le salir avec un scandale sexuel en envoyant des enregistrements audio qui auraient impliqué son épouse, une ancienne journaliste de l'hebdomadaire américain Newsweek. Il avait défrayé la chronique en janvier dernier lorsqu'il a été placé en détention préventive. L'on se rappelle que la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, avait annulé une visite en Egypte en guise de protestation contre son arrestation. Il faut donc s'attendre à une réaction virulente du département d'Etat américain à ce sujet. La présence, hier, dans la salle d'audience du tribunal de diplomates occidentaux, ainsi que de nombreux membres des services de sécurité en civil montre tout l'intérêt que porte l'Occident à cette affaire. Dès qu'il est sorti de prison, il s'était jeté avec énergie dans la campagne présidentielle, la première pluraliste en Egypte, s'imposant lors de ce scrutin en septembre comme le principal rival de Hosni Moubarak. Se référant au président Moubarak et à son fils et successeur potentiel, Gamal, Ayman Nour avait déclaré : “Ils auront absolument tout fait pour écraser et condamner la seule personne qui pouvait se dresser devant le père et le fils.” Lors l'audience du 12 décembre dernier, il avait affirmé que sa détention “est une forme de terrorisme”. Cinq jours plus tard, il avait été hospitalisé d'urgence, son état de santé s'étant détérioré à cause de la grève de la faim. Son avocat de, Amir Salem, a annoncé, hier, aux journalistes qu'il entamerait immédiatement les procédures d'appel en cassation. “Nous sommes convaincus qu'il sera innocenté par la cour de cassation”, a-t-il dit. “Ce tribunal a une histoire noire. Il a toujours été choisi pour juger les opposants politiques. Ceci est un verdict politique”, a déclaré M. Salem, en rappelant que c'est la même instance judiciaire qui avait condamné en mai 2001 le sociologue et militant des droits de l'homme, Saâdeddine Ibrahim, à sept ans de prison. Par ailleurs, les Frères musulmans, principale force de l'opposition en Egypte, ont dénoncé, hier, la condamnation à cinq ans de prison de l'opposant Ayman Nour, estimant qu'il était innocent. “Le tribunal de cassation innocentera M. Nour”, a affirmé Essame al Aryane, porte-parole de la confrérie, disant espérer que le jeune avocat “s'en sortirait”. “Les rivalités politiques doivent être réglées de façon civilisée”, a conclu al Aryane, en référence aux motifs du procès. K. ABDELKAMEL