Jusque-là, tout allait bien entre les Etats-Unis et l'Egypte présentée comme leur principal allié arabe dans la région. Même à l'occasion du référendum constitutionnel de juin dernier que l'opposition avait qualifié de verrouillage du champ politique. Ce qui avait d'ailleurs permis la réélection du président Hosni Moubarek, une victoire facile face au vide, puisque, considérait-on alors, l'opposition traditionnelle ne pouvait aligner d'adversaire de gros calibre. Mais, les Etats-Unis ont brusquement haussé le ton mardi à l'égard de ce pays en lui reprochant d'envoyer « de mauvais signaux » sur son engagement envers la démocratie avec des élections législatives entachées d'irrégularités. Pourquoi maintenant, dira-t-on immanquablement, puisque les élections se sont achevées hier et que les jeux sont pratiquement faits avec la reconduction du paysage politique actuel dans lequel, il est vrai, les Frères musulmans ont fait irruption, que eux-mêmes savent limité. Après s'être limité la semaine dernière à des avertissements mesurés sur les violences entachant ces élections, le département d'Etat a mis la pression sur les dirigeants égyptiens, dénonçant les mesures prises contre l'opposition, avec une série d'arrestations, dont celle notamment d'Ayman Nour, le principal rival du président Hosni Moubarak lors de l'élection présidentielle de septembre dernier. « Nous avons constaté un certain nombre de développements au cours des deux dernières semaines des élections législatives qui soulèvent de sérieuses préoccupations sur la direction des réformes politiques en Egypte », a déclaré le porte-parole adjoint du département d'Etat, Adam Ereli. « Clairement, ces actions envoient un mauvais signal sur les engagements de l'Egypte en matière de démocratie et de liberté », a poursuivi ce responsable. M. Ereli parlait à la veille du deuxième tour de la dernière phase des législatives égyptiennes, qui ont été marquées par des violences et par nombre d'irrégularités. Le ton de M. Ereli contrastait nettement avec celui plus modéré employé la semaine dernière par le porte-parole du département d'Etat Sean McCormack qui avait regretté les violences, en estimant toutefois que ces élections étaient « dans l'ensemble, une étape importante sur le chemin vers les réformes démocratiques en Egypte ». Des responsables américains ont souligné que Washington voyait avec une inquiétude croissante les nombreuses irrégularités marquant le déroulement de la campagne électorale en Egypte. M. Ereli a d'ailleurs affirmé qu'elles étaient en contradiction avec la promesse du gouvernement égyptien d'accroître l'ouverture politique dans le pays et d'encourager le dialogue entre les divers éléments de la société. Les responsables américains semblent avoir été particulièrement irrités par la décision prise par un tribunal égyptien lundi de maintenir en détention provisoire Ayman Nour jusqu'à la prochaine audience de son procès dans six jours. Il est accusé d'avoir falsifié des documents officiels pour la création de son parti Ghad l'année dernière. M. Nour, qui estime être l'objet d'une cabale politique, avait perdu son siège de député dans son fief du Caire au premier tour de la première phase des législatives. Selon un responsable américain, Washington est intervenu, en vain, pour dissuader les dirigeants égyptiens de s'en prendre à cet opposant. M. Ereli a déclaré que les Etats-Unis surveilleraient attentivement le sort réservé à M. Nour lorsque son procès reprendrait, samedi. « Nous exhortons le gouvernement égyptien à faire le maximum d'efforts pour que ce procès se déroule selon les normes judiciaires internationales », a-t-il dit. Les Etats-Unis accordent chaque année 2 milliards de dollars à l'Egypte en assistance économique et militaire et n'ont jusqu'ici pas manifesté l'intention de resserrer le robinet de l'aide pour amener les dirigeants égyptiens à respecter davantage leurs promesses de réformes. C'est cela qui reste important, de même l'élément d'appréciation de la politique américaine envers l'Egypte, d'autant que, rappellent nombre de spécialistes, des élus auraient demandé depuis fort longtemps sa révision. A l'inverse, relève-t-on de même source, la fin du processus électoral qui avait commencé par la révision de la Constitution, puis l'élection présidentielle, pourrait plaider en faveur de Ayman Nour.